Texte du contenu : | Utopie hier, réalité aujourd'hui
La parole est au citoyen Albert Thomas
Camarades, si on avait dit en 1914 : "Les temps sont proches, cinq trônes s'écrouleront, les dernières monarchies de droit divin tomberont l'une après l'autre, l'Europe cosaque sera gouvernée par des communistes, l'autre Europe verra partout des socialistes accéder au pouvoir : toi, Branting, tu deviendras premier ministre de Suède, toi, Stauning, premier ministre du Danemark, toi, Tanner, premier ministre de Finlande, toi, Ramsay MacDonald, tu seras le premier ministre d'un cabinet entièrement composé de travaillistes, toi, Karl Renner, rédacteur à l'Arbeiter-Zeitung, tu succéderas comme chancelier de la république d'Autriche à l'empereur François-Joseph, toi, Ebert, ancien ouvrier sellier, tu remplaceras Guillaume II, toi, Müller, tu succéderas comme chancelier au chancelier de Bülow et au chancelier de Bethmann-Hollweg, toi, Lénine, ayant chassé les Romanov, tu reprendras au Kremlin la dictature d'Ivan le Terrible". Pareille prophétie en 1914 eût été accueillie comme une dérisoire plaisanterie. On eût traité de fou aussi celui qui aurait dit : "Il y aura dans cinq ans une Société des Nations groupant cinquante-deux états, il y aura une Organisation Internationale du Travail qui aura rendu universelle l'application de la journée de dix heures, il y aura une Cour permanente de Justice Internationale devant laquelle les états se seront engagés à porter leurs différends, il y aura une Organisation Internationale Économique qui instituera la coopération économique entre tous les peuples, il y aura une Banque des Règlements Internationaux qui sera capable de distribuer le crédit entre tous". L'utopie d'hier est devenue la réalité d'aujourd'hui. "Dans cinquante ans, nous disait un jour Jaurès, il y aura une part énorme de socialisme qui sera réalisée". Faisons en sorte que les socialistes ne soient pas les derniers à s'en apercevoir.
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