Paroles : Louis Bousquet, Bar - Musique : Henry Mailfait, Lud - Éditeur : Louis Bousquet (1910)
Jean le charpentier cherchait de l’ouvrage
Mais il était vieux et n’en trouvait pas
Depuis quatre mois sans perdre courage
Allant d’porte en porte il offrait ses bras
Et rentrant le soir, brisé, tête basse
Disant à sa femme timide et tremblant :
Je n’ai rien encor, pour moi y a plus d’place
On me trouve trop vieux, j’ai des cheveux blancs
C’est vrai qu’j’ai trimé. J’aimais la charpente
Mais c'est pas fini ! J’ai encore bon pied !
J’connais la partie et pour ça, j’m’en vante
J’peux encore tenir ma place au chantier
Malgré les années j’ai la main légère
Est-ce que c’est d’ma faute si j’ai soixante ans ?
Et puis on m’a dit… qu’on n’s’en dout’rait guère
Si je n’avais pas… ces maudits ch’veux blancs
Ah ! ces vilains ch’veux blancs ! C’est eux qui m’trahissent
En disant mon âge à tous les patrons…
Y a pourtant des gens… qui se rajeunissent…
Si j’faisais comme eux ?… J’n’aurais plus d’affronts !
Allons chez l’coiffeur. À sa devanture
Il a pour les riches de fameux onguents
Allons, perruquier ! Prends-moi ta « peinture »
Et fais des ch’veux noirs… avec mes ch’veux blancs
Jean le charpentier sur l’échafaudage
Monte, courageux comme aux anciens jours
Il veut ajuster, au sixième étage
Sur l’énorme poutre un chevron trop lourd
Mais, pris de vertige, le bon vieux s’arrête
Il perd l’équilibre et, tourbillonnant
Vient, sur le pavé, se casser la tête
Et son sang rougit… les vieux cheveux blancs
Pour les ouvriers, vous avez en France
Des maisons d' vieillards, mais en vérité
Le bon ouvrier veut pas d'assistance
Il a son orgueil et sa dignité
Gardez vos aumônes d'Assistance Publique
Donnez-nous la r'traite à cinquante-cinq ans
Et [...] de la République, donnez donc du pain
Aux vieux cheveux cheveux blancs