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Titre :La peur ; La peur à l'hôpital (2) Le courage conscient commence à la peur
Compositeur(s) et-ou auteur(s) :Chevallier, Gabriel
Interprète(s) :Gémier, Firmin ; Adam, Colette
Genre :Diction : théâtre
Fichier audio :
Photo(s) :Photo
Support d'enregistrement :Disque
Format :30 cm aiguille (enregistrement électrique)
Lieu d'enregistrement :Paris, France
Marque de fabrique, label :ERSA La Voix des nôtres
Numéro de catalogue :VN144
Date de l'enregistrement :1931
Instruments :Déclamation, diction, monologue
État :Exc++
Vitesse (tours/minute) :80
Matériel employé au transfert :Numark TT500USB, SME-Clément, pointe 4,0ET sur Stanton, Elberg MD12 : courbe flat
Date du transfert :20-03-2015
Commentaires :Texte du contenu ci-joint. Coll. José Sourillan. Dartemont : Firmin Gémier. L'infirmière : Mlle Colette Adam du théâtre de l'Odéon. Première Guerre mondiale, Grande Guerre, 1914-1918, littérature, théâtre, poésie
Texte du contenu :La peur à l'hôpital (face 2)


- La guerre n'est qu'une monstrueuse absurdité, mademoiselle, dont il ne faut attendre ni amélioration ni grandeur.
- Dartemont... la patrie ?
- La patrie, mademoiselle, encore un mot autour duquel vous mettez de loin un certain idéal assez vague. Voulez-vous réfléchir à ce qu'est la patrie ? Ni plus ni moins qu'une réunion d'actionnaires, qu'une forme de la propriété, esprit bourgeois et vanité. Songez au nombre d'individus que vous refusez de fréquenter dans votre patrie et vous verrez que les liens sont bien conventionnels. Je vous assure qu'aucun des hommes que j'ai vus tomber autour de moi n'est mort en pensant à la patrie, avec la satisfaction du devoir accompli. Bien peu, je crois, sont partis à la guerre avec l'idée du sacrifice comme auraient dû le faire de vrais patriotes.
- Ce que vous êtes démoralisant !
- Ce qui est démoralisant, mademoiselle, c'est la situation où on nous a placés, nous, soldats. Moi-même, quand j'ai pensé mourir, j'envisageais la mort comme une amère dérision puisque j'allais perdre la vie pour une erreur. Pour une erreur des autres !
- Ce devait être atroce.
- Bof ! on peut mourir sans être dupe. Je n'avais pas, au fond, tellement peur de mourir. Une balle au cœur ou en plein front... Je redoutais surtout la mutilation et ces agonies de plusieurs jours dont nous étions témoins.
- Mais la liberté ?
- Ma liberté me suit, elle est dans ma pensée. Shakespeare m'est une patrie, Goethe m'en est une autre. Vous pourrez changer l'étiquette que je porte au front, vous ne changerez pas mon cerveau. C'est par mon cerveau que j'échappe aux lois, aux promiscuités, aux obligations que toute une civilisation, toute une collectivité m'imposera. Je me fais une patrie avec mes affinités, mes préférences, mes idées. Et cela, on ne peut pas me le prendre et je peux même autour de moi le répandre. Je ne fréquente pas dans la vie des foules mais des individus. Avec cinquante individus choisis dans chaque nation, je composerai peut-être la société qui me donnera le plus de satisfaction. Mon premier bien est moi ! Il vaut mieux l'exiler que le perdre, changer quelques habitudes que résilier mes fonctions d'homme. L'homme n'a qu'une patrie qui est la terre.
- Ne croyez-vous pas, Dartemont, que ce sentiment de peur dont vous parliez tout à l'heure a contribué à vous faire perdre tout idéal ?
- Mais... la peur n'est pas honteuse. Elle est la répulsion instinctive de notre corps devant ce pour quoi il n'est pas fait. Peu y échappent. Nous pouvons bien en parler puisque cette répulsion nous l'avons souvent surmontée, puisque nous avons réussi à la dissimuler à ceux qui étaient près de nous et qui, comme nous, l'éprouvaient. Je connais des hommes qui ont pu me croire brave naturellement auxquels j'ai caché mon drame car notre souci, alors que notre corps était plaqué au sol comme une larve, que notre esprit en nous hurlait de détresse, c'était encore parfois d'affecter la bravoure par une incompréhensible contradiction. Ce qui nous a tant épuisés, c'est justement cette lutte de notre esprit discipliné contre notre chair en révolte, notre chair étalée, gênante, qu'il fallait rosser pour la remettre debout. Non ! le courage conscient, mademoiselle, commence à la peur.



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