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Titre : | Discours de M. Gabriel Hanotaux de l'Académie française adressé au Maréchal Joffre lors de l'inauguration de la statue à Chantilly (2) |
Interprète(s) : | Hanotaux, Gabriel |
Genre : | Discours politique |
Fichier audio : | |
Photo(s) : | ![]() |
Support d'enregistrement : | Disque |
Format : | 25 cm aiguille (enregistrement électrique) |
Lieu d'enregistrement : | Paris, France |
Marque de fabrique, label : | SES – Société d'enregistrement sonore siège social et studios 9 rue de Ponthieu, Paris |
Date de l'enregistrement : | 1934 |
Instruments : | Déclamation, diction, monologue |
État : | Exc++, chuinte, monter |
Vitesse (tours/minute) : | 78 |
Matériel employé au transfert : | Numark TT500USB, SME-Clément, pointe 5,0ET sur Stanton, Elberg MD12 : courbe flat |
Date du transfert : | 20-03-2015 |
Commentaires : | Texte du contenu ci-joint. Coll. José Sourillan. Gabriel Hanotaux (1853-1944). Discours prononcé le 21 juin 1930, en la présence de Joffre, enregistré vers 1934 |
Texte du contenu : | [Face 1]
Discours de monsieur Gabriel Hanotaux de l'Académie Française. Adressé au maréchal Joffre lors de l'inauguration de sa statue à Chantilly. [1934] Monsieur le Maréchal, Au moment où la France, qui se sentait le cœur lourd d'une trop longue attente, se tourne vers vous pour vous témoigner sa gratitude et vous rendre l'hommage qu'elle vous doit en cette heure unique où tant de rudes hommes, qui ont servi sous vos ordres, sont groupés ici pour vous exprimer leur inaltérable fidélité, et quand, désigné par l'Académie Française, je viens vous apporter le témoignage de l'admiration et de l'affection, non pas seulement fraternelle, mais filiale que nous ressentons pour notre glorieux confrère, permettez-moi de ne pas me laisser envahir par des sentiments qui étoufferaient ma voix et de parler de votre œuvre en elle-même, de l'envisager dans son caractère essentiel comme une épure intellectuelle, faisant abstraction de votre personnalité comme vous le faites vous-même. J'essaierai de dire, en un exposé décharné et sans ornement ce que la France et l'Histoire retiendront des actes du grand chef de la guerre, du vainqueur de la Marne, du maréchal de France qui fut le sauveur de la France. Dans les grandes entreprises, le propre du génie est de saisir le sens général des choses et leurs liaisons, les détails venant après. Une si haute compréhension, qui tient à une sorte de divination survolant les ensembles, évite que l'on ne s'engage mal dès le début avec des suites trop souvent irréparables. Ces maximes applicables à la politique comme à la guerre servent à éclairer l'espèce de qualité intellectuelle du chef que fut le général Joffre, ce sens de la stabilité, de l'équilibre et cette perspicacité du futur qui le caractérisent. [Face 2] Le bronze que nous avons sous les yeux rend cela sensible, rien que par sa forme et sa solidité. Le maréchal est à pied, calé sur le sol, la tête haute, les yeux au loin, vêtu du lourd manteau à pèlerine qui sera pour la légende sa redingote grise et il se dresse seul en cette ville de Chantilly devant cette maison du Grand Condé d'où il dirigea les longues batailles où des millions d'hommes se mesurèrent. En cette ville si délicieusement française, que d'autres grandes gloires militaires avaient illustrée, dans ce séjour du repos et de la joie, le commandant en chef des armées françaises se fixa quand la France fut envahie et que Paris fut menacé. Ce choix était déjà par lui-même une décision de haute portée militaire, il marquait ce début juste d'où dépendent tant de suites. Le grand chef établissait son état-major non dans quelques lointains arrières comme le commandement allemand mais au plein cœur de ses armées, non dans Paris mais à proximité de Paris, non vers la Loire mais à l'Est, tout un système réfléchi était inclus dans cette détermination. Rappelons, maintenant, car rien n'importe davantage, qu'au moment où la lutte formidable s'engageait, nul capitaine, pas même Napoléon, n'avait commandé de pareilles masses ; personne n'avait mis en mouvement de si énormes machines; à la lettre on ne savait pas "de quoi il s'agissait". Et voilà que dans la première surprise, la première ligne ayant cédé, il fallait déterminer le sens futur de cette guerre sans pareille et prendre un ensemble de décisions qui, engageant tout, avaient à prévoir et à découvrir de loin, par-dessus l'étang et par dessus les plaines, les engagements et les événements qui un jour forceraient un ennemi enivré de sa puissance à se sentir vaincu et à capituler. [Face 3] Au même moment, les chefs allemands, maîtres de leur préparation et de leur peuple, fiers de leur science et de leur autorité, mettaient en œuvre un système mûrement étudié et dont tous les ressorts étaient tendus d'avance vers un but unique : l'étranglement brutal de l'adversaire. Schlieffen avait laissé en mourant ses plans gigantesques, pleins de fourbes et d'illusions, poussant en avant des masses colossales avec une violence combinée qu'on eût crue irrésistible. En fait, le plan se trouva forcé, inapplicable. Après la surprise de la bataille des frontières, parée aussitôt par le coup d'arrêt de la bataille de Guise, l'élan formidable fut brisé et les successeurs des disciples de Schlieffen durent renoncer, comme il eût été obligé d'y renoncer lui-même, à son ambitieux dessein d'encercler Paris par l'ouest et le sud pour infliger à l'armée française cette bataille d'enveloppement total, cette bataille de Cannes, qui devait régler d'un seul coup le sort de la guerre. La première grande armée d'invasion, déjà à demi disloquée, dut être ramenée de l'ouest à l'est, s'exposant à une marche de flanc devant Paris qui la mettait sous le coup de la manœuvre de Joffre. C'était le tour de l'armée française. Elle avait à sa tête un soldat qui n'était ni un illuminé, ni un pédant, ni un sabreur, homme de bon sens, tête solide, désigné par son labeur obstiné et ses services actifs, qui tenait bien en main, par une longue et forte préparation, toutes les ressources matérielles et morales d'un pays surpris par l'offensive brusquée et par la manœuvre traîtresse de l'ennemi. Joffre se mit à la besogne avec sang-froid, modestie et confiance. [Face 4] Le trait dominant en lui, c'est la justesse de l'esprit. Il vit clairement qu'il n'y avait aucun moyen de réduire à l'impuissance, par un coup de tonnerre, fût-ce un Marengo ou un Austerlitz, deux grands empires adossés l'un à l'autre au centre de l'Europe, disposant de plus de dix millions d'hommes, appuyés sur des peuples exaltés et décidés à tous les sacrifices. Il [s']attacha d'abord, en escomptant l'aide d'alliés un peu tardifs, à déjouer le plan des ennemis, à échapper à la première étreinte, à les arrêter, à les fixer puis à les entourer d'une manœuvre à la fois défensive et offensive qui, les forçant à se replier, à se resserrer, à se retrancher, les ceinturerait dans un système fortement lié qui les empêcherait de communiquer avec le dehors, de s'alimenter et les mettrait à la fin dans la nécessité de s'user et de se détruire eux-mêmes en des efforts désespérés pour tâcher de rompre le cercle et de ressaisir la victoire. Libre aux stratèges en chambre et aux fabricateurs de plans dans l'escalier, de venir nous dire maintenant qu'on eût pu gagner la guerre en un tournemain par une de ces manœuvres surprenantes dont ils ont gardé le secret. Ces critiques retardataires n'ont nulle prise sur l'opinion parce qu'elle sait à quoi s'en tenir. Elle a connu la grandeur du péril et elle sait comme une chose de bon sens qu'il n'y avait nulle stratégie ni tactique immédiate par lesquelles la prodigieuse force austro-allemande-turco-bulgare pût être saisie et détruite en un seul et massif engagement local quel qu'il fût. - - - La statue du maréchal Joffre à Chantilly fut inaugurée le 21 juin 1930 à proximité du monument aux morts, notamment en présence du maréchal, de son épouse, du président de la République Gaston Doumergue, du ministre André Maginot, des maréchaux Lyautey et Pétain, et d'Albert Joly, maire de Chantilly. La ville avait décidé d’élever cette statue en souvenir du long séjour du généralissime des armées françaises au Grand Quartier général (hôtel du Grand Condé et villa Poiret) à Chantilly, de décembre 1914 à décembre 1916. Ce discours prononcé par Gabriel Hanotaux a visiblement été gravé au disque par l'auteur quelques années plus tard. |
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