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Titre :Anthologie des poètes morts à la guerre – La lettre
Compositeur(s) et-ou auteur(s) :Troufleau, Charles
Interprète(s) :Brunot, André
Genre :Diction : poème
Fichier audio :
Photo(s) :Photo
Support d'enregistrement :Disque
Format :25 cm aiguille (enregistrement électrique)
Lieu d'enregistrement :Paris, France
Marque de fabrique, label :Columbia
Numéro de double-face :DF10
Numéro de catalogue :WL1894
Numéro de matrice :47267
Instruments :Déclamation, diction, monologue
État :Exc++
Vitesse (tours/minute) :78
Matériel employé au transfert :Numark TT500USB, SME-Clément, pointe 2,0E sur Stanton, Elberg MD12 : courbe Columbia
Date du transfert :24-04-2015
Commentaires :Texte du contenu ci-joint. Coll. José Sourillan. Première Guerre mondiale, Grande Guerre, 1914-1918
Texte du contenu :La lettre

La lettre, de Charles Troufleau tué sur le front d'Orient le 21 septembre 1916


J'aurais voulu t'écrire une lettre très belle,
Une lettre à relire un jour entier tout bas ;
Mais j'ai la tête vide, et la phrase rebelle,
Et les grands mots, vois-tu, je ne les aime pas.

J'aurais voulu t'écrire, avec toute mon âme,
Une lettre très tendre à lire sans témoins ;
Mais je mets, quand je pense à toi, ma pauvre femme,
Les deux mains sur mon cœur pour qu'il batte un peu moins.

J'aurais, voulu t'écrire, et voici que je pleure ;
Je ne saurais aller sans un sourire au feu,
Ni t'écrire sans larme, hélas ! tant à cette heure
Notre moindre parole a le son d'un adieu.

J'aurais voulu t'écrire, et que puis-je te dire ?
Que la terre se creuse et rejaillit là-bas.
Que l'air froid du matin gémit et se déchire ?
Tu tremblerais pour moi, qui ne le voudrais pas.

Que dirais-je encor ? Que la lune et la brume
Sont un toit que mes yeux sont lassés d'admirer,
Que les nuits ont, sans toi, comme un goût d'amertume ?
Tu pleurerais peut-être ; il ne faut pas pleurer.

De quoi donc te parler ? Du mur qui s'ouvre ou tombe,
De ce seuil profané, sans porte et sans gardien,
De ce foyer désert, triste comme une tombe ?
Tu ne sentirais plus la tendresse du tien.

Je n'en parlerai pas ; tu n'auras pas la lettre
Que je rêvais d'écrire en veillant cette nuit ;
Et du reste, à quoi bon l'écrire et comment mettre
Et ma vie et mon cœur en quatre mots d'écrit ?

Tu les as tout entiers, à jamais : je me donne
À toi plus que jamais, sur ce sol, en ce jour ;
Mon âme est toute à toi ; mon âme s'abandonne
Plus à toi dans la mort encor que dans l'amour.

Car nous sommes tous deux à notre place sainte,
Nous n'avons plus qu'un cœur à tout jamais uni,
Toi, dans l'attente fière et qui n'est pas la crainte, ;
Moi, dans les durs combats qui ne sont pas l'oubli.

Nous nous tenons tous deux de près, comme se tiennent
Ceux qui s'aident, luttant dans un chemin étroit ;
Tous deux nous écoutons les mêmes pas qui viennent,
Le même grondement qui s'éloigne et décroît.

Et si l'un s'affaissait dans la boue et la gloire,
L'autre, debout, verrait, avec ses yeux si doux,
De tranchée en tranchée, avancer la Victoire,
Lente, mais immortelle, et calme comme nous.



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