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Titre :Douaumont, décrit par G. Durassier, ancien combattant
Interprète(s) :Farkas, Jean-Pierre ; Durassier, G.
Genre :Emission radiodiffusée
Fichier audio :
Support d'enregistrement :Cassette audio d
Format :Cassette audio d'après bande magnétique
Marque de fabrique, label :Radio Luxembourg
Date de l'enregistrement :1961-11-11
État :Exc++
Vitesse (tours/minute) :4,75cm-seconde
Matériel employé au transfert :Sony TC-D5M, Marantz PMD671
Date du transfert :12-06-2015
Commentaires :Texte du contenu ci-joint. Coll. José Sourillan. Première Guerre mondiale, Grande Guerre, 1914-1918
Texte du contenu :Douaumont, décrit par G. Durassier, ancien combattant


[Nous entrons] en ce moment même à l'intérieur de l'ossuaire de Douaumont et là, vous le voyez, un homme vous attend, cheveux blancs, une canne, un bon sourire, c'est un ancien combattant. Monsieur Durassier, vous êtes l'un des hommes qui ont écrit Verdun, vous êtes même le président d'une association qui est celle de Ceux de Verdun. Monsieur Durassier, je voudrais vous demander tout simplement de raconter à nos jeunes amis ce qu'est en fait l'ossuaire de Douaumont.
- Bonjour, cher ami, je partage votre émotion et j'imagine que les jeunes qui sont autour de nous, car tout de même il y a des camarades et des gens qui ont tenu à s'associer à notre message, je pense que cette émotion nous serre un peu la gorge et que il y a une difficulté pour l'exprimer, surtout pour la faire partager aux millions d'auditeurs qui actuellement sont à l'écoute et qui attendent un mot de nous. Mes chers enfants, vous êtes ici, vous savez, dans un sanctuaire. Vos pieds foulent des milliers et des milliers de morts. Cet ossuaire a été créé voici déjà vingt ans. Il comporte quarante-six tombeaux, quarante-six tombeaux qui recouvrent une fosse de douze mètres cubes. Cent soixante mille ossements, cent soixante mille disparus. De chaque côté une grande fosse de cinquante mètres cubes et sur les murs vous voyez ces inscriptions. Il y en a trois mille sept cents, trois mille sept cents inscriptions
qui sont les marques, les souvenirs d'une association, d'une division, voire d'une simple famille qui est venue pour honorer son mort.
- Monsieur Durassier, nos jeunes amis qui sont là, je pense, voudraient vous poser d'autres questions. Thierry, par exemple...
- Monsieur, est-ce que vous pourriez me dire : où étiez-vous e premier jour de Verdun, s'il vous plaît ?
- Eh bien, j'étais... j'appartenais au 95e d'Infanterie, j'étais chef de section, et nous avions été alertés, nous étions à ce moment-là dans un secteur un peu... un secteur de repos, en attente à cinquante kilomètres de Paris... de Verdun et, dans la journée du 21 février, au moment où l'attaque se déclenchait, nous avons été alertés, sac au dos, nous avons fait cette étape de cinquante-deux kilomètres pour gagner Douaumont. Et c'est là que nous avons reçu le choc dans la journée du 24, dans cette bataille qui devait durer 300 jours mais aussi 300 nuits. Il faut dire que les Allemands avaient préparé merveilleusement cette attaque. Là, en France, nous avons été, les Français de notre Haut-Commandement a été dépassé et a manqué certainement d'initiative car des renseignement qui étaient venus même par des déserteurs alsaciens nous avaient mis en contact et nous savions que cette bataille allait venir.
- Gérard, vous avez aussi une question, je crois.
- Oui. Tout à l'heure, je me suis promené avec mes camarades dans le champ de bataille et j'ai vu la Tranchée des baïonnettes. Je voudrais bien savoir ce que cela signifie.
- C'est un épisode de juin 1916 où, au moment où le 106e, en voyant le régiment, d'ailleurs ... Ah ! le nom m'échappe... le numéro de régiment, mais enfin qui était commandé par le lieutenant Polimann a été, on peut dire, enseveli, a subi un tir de barrage tel que la tranchée s'est refermée sur les combattants. Et j'ai visité cette tranchée en 1919, peu après émergeaient simplement les baïonnettes et c'est là qu'un riche Américain a eu le, chose, cette belle pensée d'abriter ces morts qui veillent encore debout dans la tranchée par ce monument monstrueux qui défiera les siècles certainement.
- Monsieur, j'ai remarqué aussi le Mur des Lamentations, j'ai remarqué qu'il y avait écrit dessus des caractères hébreux. Qu'est-ce que cela est ?
- Eh bien, il a été fait aussitôt après l'ossuaire de Douaumont, c'est le monument aux combattants juifs. Il marque d'ailleurs le... justement c'est une réplique du Mur des Lamentations.Et c'est ainsi que tous les cultes ici sont rapprochés. Nous avons... Vous avez vu la chapelle catholique, la chapelle catholique qui est... dont l'autel a été dressé, payé par l'association des prêtres anciens combattants, et puis la tour de l'ossuaire.
- Maintenant nous allons faire quelques pas à l'intérieur-même de cet ossuaire. Tout au long de cette longue galerie, ce sont des tombes, des fleurs, des inscriptions, quelques noms aussi, des loges.
- Monsieur, j'ai vu des noms parmi eux qui m'ont... qu'est-ce que c'est ?
- Eh bien, ce sont les noms des secteurs, n'est-ce pas. Au départ, un prêtre dont on ne saurait trop exalter la piété, le souvenir, l'abbé Noël avait rassemblé au lendemain de la guerre les ossements épars. On butait, il y en avait partout. Et les avait rassemblés dans une baraque Adrian et eut l'idée de les mettre par secteurs. Et j'ai assisté à la remise... à la mise en place de ces tombes et je me rappellerai toute ma vie l'émotion considérable, vous entendez bien, qui était empreint, qui gagnait toute l'assistance. Il faisait un temps d'ailleurs comme aujourd'hui, un temps froid et sec.
- Monsieur Durassier, il y a une question qui vient tout de suite à l'esprit lorsqu'on est à Douaumont, lorsqu'on est à Verdun, c'est que ce champ de bataille, on n'y voit pratiquement rien. Pourquoi ?
- Vous avez le fort de Douaumont et le fort de Vaux tout de même qui expriment... et notre association de Verdun justement est en train... prépare la remise en état de certains lieux comme l'abri 118, l'abri de Thiaumont, le secteur de Thiaumont et puis par-dessus tout nous allons... nous essayerons en cette année 62, les plans ont été dressés, sont déposés actuellement au ministère de l'intérieur, faire un mémorial qui sera comme notre testament, ce sera la génération de 14-18 qui laissera pour ceux qui resteront derrière nous le témoignage de ce que fut la bataille. Il y aura un diorama, il y aura de grandes photographies, un film. Enfin, les pèlerins et touristes seront pénétrés de ce que fut la souffrance, la souffrance du soldat de Verdun.
- Monsieur Durassier, pourquoi y a-t-il eu tant de victimes, tant de disparus à Verdun ?
- Eh bien parce que, que voulez-vous, il y avait... vous voyez aujourd'hui un secteur, mon Dieu, vous... c'est... c'est... c'est impossible à exprimer pourquoi ! Nous vivions dans la boue, dans des secteurs bouleversés absolument ! Songez que même pour faire une relève, pour venir de Verdun jusqu'ici, il fallait parfois deux, trois heures et quatre heures d'une relève harassante, écrasante, dans la boue, et sous des barrages formidables et puis et puis le ravitaillement n'arrivait pas. Ah ! les morts, les morts nous servaient de parapet. Les pauvres morts, on les aimait bien mais tous sont restés, les neuf dixièmes sont restés sur place.
- Mais Douaumont a aussi une histoire. Douaumont, c'était l'une des pièces maîtresses du système défensif français. Et pourtant Douaumont a été pris par les Allemands et c'est toute une histoire.
- Hélas ! oui, ceci c'est le drame, le drame de Douaumont qui a tenté tant d'historiens dont le général Rouquerol qui fut le commandant de la 15e division, ce fort abandonné, ce fort qui avait... qui était le fort cuirassé dont les Allemands devaient tant crier la, leur...permettre aux Allemands de crier leur victoire fut en sorte abandonné, abandonné, une relève. On cite qu'au hasard d'une relève les troupes ne surent pas gagner si bien que les Allemands qui avaient certainement connaissance, car les Allemands avaient fait des prisonniers, ils étaient au courant certainement de cet abandon si bien que dans la journée du 25 février au soir, avant la chute du jour, les Allemands, en usant même d'un stratagème pour nous échapper, se camouflèrent avec des chéchias et passaient à portée de nos fusils sans que nous ayons le souci de tirer sur eux car nous étions persuadés, comme nous l'avions fait toute la journée, que nous avions recueillis des soldats de toutes les armes.
- Et, monsieur Durassier, un homme est allé vérifier si ces silhouettes vêtues d'une coiffe militaire française étaient bien des Français ? Cet homme, c'était vous.
- Mais oui, oui, ça, écoutez, il faut bien mettre les choses à leur point. J'étais un héros sans le vouloir. Si j'avais su que j'avais affaire à des Allemands, soyez tranquille, je serais resté auprès de mes camarades où j'aurais pris les moyens de faire un tir de mitrailleuse. J'ai été vers eux comme j'étais persuadé... et cet homme m'a retenu, un des Allemands de mon petit groupe. C'était bien préparé d'ailleurs. Un Allemand parlant le français avec... m'a à ce moment-là crié : "Pose fusil ! pose fusil !". Et j'ai compris et j'ai été vers lui et j'ai été... Mon Dieu, le récit est trop difficile à raconter, voyez-vous, surtout pour moi, et vous le comprendrez.
- Et vous avez été blessé et la guerre s'est terminée pour vous.
- Ah ! oui, ah ! là oui, la guerre...
- Mais le 11 novembre 1918, il y a maintenant de cela 46 ans... 43 ans..
- Ah ! c'est tout proche, oui
- Où étiez-vous vous-même ?



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