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Titre :Le Cid, n° 25
Compositeur(s) et-ou auteur(s) :Corneille, Pierre
Interprète(s) :Mounet, Paul ; Falconnier
Genre :Diction : théâtre
Fichier audio :
Photo(s) :Photo
Support d'enregistrement :Disque
Format :29 cm saphir étiquette (enregistrement acoustique)
Marque de fabrique, label :Pathé
Numéro de double-face :1689
Numéro de catalogue :LC25
État :Exc++
Vitesse (tours/minute) :80
Matériel employé au transfert :Stanton 150, SME-Clément, pointe 4.0ET sur Stanton, Elberg MD12 : courbe flat
Date du transfert :26-11-2015
Commentaires :Texte du contenu ci-joint. Coll. MMP, Médiathèque musicale de Paris, fonds Jean-Marie Poilvé, ressource apportée par Frédérick Sully. Interprètes : MM. Paul Mounet, Falconnier, Ravet, Alexandre, Guilhène, Jean Worms, Gerbault, et Mmes Roch, Lherbay, Y. Ducos, J. Rémy et M. Jacques
Texte du contenu :Le Cid


n°3
L'INFANTE
[Tout autre qu'un monarque est] indigne de moi.
Quand je vis que mon cœur ne se pouvait défendre,
Moi-même je donnai ce que je n'osais prendre.
Je mis, au lieu de moi, Chimène en ses liens,
Et j'allumai leurs feux pour éteindre les miens.
Ne t'étonne donc plus si mon âme gênée
Avec impatience attend leur hyménée :
Tu vois que mon repos en dépend aujourd'hui ;
Si l'amour vit d'espoir, il périt avec lui ;
C'est un feu qui s'éteint faute de nourriture ;
Et, malgré la rigueur de ma triste aventure,
Si Chimène a jamais Rodrigue pour mari,
Mon espérance est morte, et mon esprit guéri.
Je souffre cependant un tourment incroyable.
Jusques à cet hymen Rodrigue m'est aimable :
Je travaille à le perdre, et le perds à regret ;
Et de là prend son cours mon déplaisir secret.
Je vois avec chagrin que l'amour me contraigne
À pousser des soupirs pour ce que je dédaigne ;
Je sens en deux partis mon esprit divisé.
Si mon courage est haut, mon cœur est embrasé.
Cet hymen m'est fatal, je le crains, et souhaite :
Et n'ose en espérer qu'une joie imparfaite.
Ma gloire et mon amour ont pour moi tant d'appas,
Que je meurs s'il s'achève, ou ne s'achève pas.

LÉONOR.
Madame, après cela je n'ai rien à vous dire,
Sinon que de vos maux avec vous je soupire :
Je vous blâmais tantôt, je vous plains à présent ;
Mais, puisque dans un mal si doux et si cuisant
Votre vertu combat et son charme et sa force,
En repousse l'assaut, en rejette l'amorce,
Elle rendra le calme à vos esprits tremblants.
Espérez donc tout d'elle, et du secours du temps :
Espérez tout du ciel ; il a trop de justice
Pour laisser la vertu dans un si long supplice.


L'INFANTE.
Ma plus douce espérance est de perdre l'espoir.

LE PAGE.
Par vos commandements Chimène vous vient voir.

L'INFANTE , (à Léonor.)
Allez l'entretenir en cette galerie.

LÉONOR.
Voulez-vous demeurer dedans la rêverie ?

L'INFANTE.
Non, je veux seulement, malgré mon déplaisir,
Remettre mon visage un peu plus à loisir.
Je vous suis.

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n°4
Mais je tarde un peu trop, allons trouver Chimène,
Et par son entretien, soulager notre peine.

LE COMTE.
Enfin vous l'emportez, et la faveur du roi
Vous élève en un rang qui n'était dû qu'à moi ;
Il vous fait gouverneur du prince de Castille.

DON DIÈGUE.
Cette marque d'honneur qu'il met dans ma famille-
Montre à tous qu'il est juste, et fait connaître assez
Qu'il sait récompenser les services passés.

LE COMTE.
Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes :
Ils peuvent se tromper comme les autres hommes ;
Et ce choix sert de preuve à tous les courtisans
Qu'ils savent mal payer les services présents.

DON DIÈGUE.
Ne parlons plus d'un choix dont votre esprit s'irrite :
La faveur l'a pu faire autant que le mérite.
Mais on doit ce respect au pouvoir absolu,
De n'examiner rien quand un roi l'a voulu.
À l'honneur qu'il m'a fait, ajoutez-en un autre ;
Joignons d'un sacré nœud ma maison et la vôtre.
Vous n'avez qu'une fille, et moi je n'ai qu'un fils ;
Leur hymen peut nous rendre à jamais plus qu'amis :
Faites-nous cette grâce, et l'acceptez pour gendre.

LE COMTE.
À des partis plus hauts ce beau fils doit prétendre ;
Le nouvel éclat de votre dignité
Lui doit enfler le cœur d'une autre vanité.
Exercez-la, monsieur, et gouvernez le prince ;
Montrez-lui comme il faut régir une province,
Faire trembler partout les peuples sous sa loi,
Remplir les bons d'amour, et les méchants d'effroi ;
Joignez à ces vertus celles d'un capitaine :
Montrez-lui comme il faut s'endurcir à la peine,
Dans le métier de Mars se rendre sans égal,
Passer des jours entiers et des nuits à cheval,
Reposer tout armé, forcer une muraille,
Et ne devoir qu'à soi le gain d'une bataille :
Instruisez-le d'exemple, et vous ressouvenez
Qu'il faut faire à ses yeux ce que vous enseignez

DON DIÈGUE.
Pour s'instruire d'exemple, en dépit de l'envie,
Il y a seulement l'histoire de ma vie.
Là, dans un long tissu de belles actions,
Il verra comme il faut dompter les nations,
Attaquer une place, ordonner une armée,
Et sur de grands exploits bâtir sa renommée.

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n°6

DON DIÈGUE.
Rodrigue, as-tu du cœur ?

DON RODRIGUE.
Tout autre que mon père
L'éprouverait sur l'heure

DON DIÈGUE.
Agréable colère !
Digne ressentiment à ma douleur bien doux !
Je reconnais mon sang à ce noble courroux :
Ma jeunesse revit dans cette ardeur si prompte.
Viens, mon fils, viens, mon sang, viens réparer ma honte ;
Viens me venger.

DON RODRIGUE.
De quoi ?

DON DIÈGUE.
D'un affront si cruel,
Qu'à l'honneur de tous deux il porte un coup mortel ;
D'un soufflet. L'insolent en eût perdu la vie ;
Mais mon âge a trompé ma généreuse envie ;
Et ce fer que mon bras ne peut plus soutenir,
Je le remets au tien pour venger et punir.
Va contre un arrogant éprouver ton courage :
Ce n'est que dans le sang qu'on lave un tel outrage ;
Meurs, ou tue. Au surplus, pour ne te point flatter,
Je te donne à combattre un homme à redouter ;
Je l'ai vu, tout couvert de sang et de poussière,
Porter partout l'effroi dans une armée entière.

DON RODRIGUE.
Son nom ? C'est perdre temps en propos superflus

DON DIÈGUE.
Et pour t'en dire encor quelque chose de plus
Plus que brave soldat, plus que grand capitaine
C'est...

DON RODRIGUE.
De grâce, achevez.

DON DIÈGUE.
Le père de Chimène

DON RODRIGUE.
Le...

DON DIÈGUE.
Ne réplique point, je connais ton amour
Mais qui peut vivre infâme est indigne du jour ;
Plus l'offenseur est cher, et plus grande est l'offense.
Enfin tu sais l'affront, et tu tiens la vengeance ;
Je ne te dis plus rien. Venge-moi, venge-toi ;
Montre-toi digne fils d'un père tel que moi.
Accablé des malheurs où le destin me range,
Je m'en vais les pleurer. Va, cours, vole, et nous venge !

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n°17

DON RODRIGUE.
Eh bien ! sans vous donner la peine de poursuivre,
Assurez-vous l'honneur de m'empêcher de vivre.

CHIMÈNE.
Elvire, où sommes-nous, et qu'est-ce que je vois ?
Rodrigue en ma maison ! Rodrigue devant moi !

DON RODRIGUE.
N'épargnez point mon sang ; goûtez sans résistance,
La douceur de ma perte et de votre vengeance.

CHIMÈNE.
Hélas !

DON RODRIGUE.
Écoute-moi.

CHIMÈNE.
Je me meurs.

DON RODRIGUE.
Un moment.

CHIMÈNE.
Va, laisse-moi mourir.

DON RODRIGUE.
Quatre mots seulement ;
Après, ne me réponds qu'avec cette épée.

CHIMÈNE.
Quoi ! du sang de mon père encor toute trempée !

DON RODRIGUE.
Ma Chimène....

CHIMÈNE.
Ôte-moi cet objet odieux,
Qui reproche ton crime et ta vie à mes yeux,

DON RODRIGUE.
Regarde-le plutôt pour exciter ta haine,
Pour croître ta colère, et pour hâter ma peine.

CHIMÈNE.
Il est teint de mon sang.

DON RODRIGUE.
Plonge-le dans le mien ;
Et fais-lui perdre ainsi la teinture du tien.

CHIMÈNE.
Ah ! quelle cruauté qui tout en un jour tue
Le père par le fer, la fille par la vue !
Ôte-moi cet objet, je ne le puis souffrir :
Tu veux que je t'écoute, et tu me fais mourir !

DON RODRIGUE.
Je fais ce que tu veux, mais sans quitter l'envie
De finir par mes mains ma déplorable vie ;
Car enfin n'attends pas de mon affection
Un lâche repentir d'une belle action.
L'irréparable effet d'une chaleur trop prompte
Déshonorait mon père et me couvrait de honte.
Tu sais comme un soufflet touche un homme de cœur,
J'avais part à l'affront, j'en ai cherché l'auteur ;
Je l'ai vu, j'ai vengé mon honneur et mon père ;
Je le ferais encor si j'avais à le faire :
Ce n'est pas qu'en effet, contre mon père et moi,
Ma flamme assez longtemps n'ait combattu pour toi ;
Juge de son pouvoir : dans une telle offense
J'ai pu délibérer si j'en prendrais vengeance.
Réduit à te déplaire ou souffrir un affront,
J'ai pensé qu'à son tour mon bras était trop prompt,
Je me suis accusé de trop de violence ;
Et ta beauté, sans doute, emportait la balance,
À moins que d'opposer à tes plus forts appas
Qu'un homme sans honneur ne te méritait pas ;
Que malgré cette part que j'avais en ton âme,
Qui m'aima généreux me haïrait infâme ;
Qu'écouter ton amour, obéir à sa voix,
C'était m'en rendre indigne et diffamer ton choix.
Je te le dis encore, et, quoique j'en soupire,
Jusqu'au dernier soupir je veux bien le redire ;
Je t'ai fait une offense, et j'ai dû m'y porter
Pour effacer ma honte, et pour te mériter ;
Mais, quitte envers l'honneur, et quitte envers mon père,
C'est maintenant à toi que je viens satisfaire :
C'est pour t'offrir mon sang qu'en ce lieu tu me vois.
J'ai fait ce que j'ai dû, je fais ce que je dois.
Je sais qu'un père mort t'arme contre mon crime;
Je ne t'ai pas voulu dérober ta victime :
Immole avec courage au sang qu'il a perdu
Celui qui met sa gloire à l'avoir répandu.

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n°25

DON RODRIGUE
Mais enfin sa clarté montre notre avantage :
Le Maure voit sa perte et perd soudain courage ;
En voyant un renfort qui nous vient secourir,
L'ardeur de vaincre cède à la peur de mourir.
Ils gagnent leurs vaisseaux, ils en coupent les câbles,
Poussent jusques aux cieux des cris épouvantables,
Font retraite en tumulte, et sans considérer
Si leurs rois avec eux peuvent se retirer.
Pour souffrir ce devoir, leur frayeur est trop forte ;
Le flux les apporta, le reflux les remporte,
Cependant que leurs rois engagés parmi nous,
Et quelque peu des leurs tout percés de nos coups,
Disputent vaillamment et vendent bien leur vie.
À se rendre moi-même en vain je les convie ;
Le cimeterre au poing ils ne m'écoutent pas :
Mais, voyant à leurs pieds tomber tous leurs soldats,
Et que seuls désormais en vain ils se défendent,
Ils demandent le chef : je me nomme, ils se rendent.
Je vous les envoyai tous deux en même temps ;
Et le combat cessa, faute de combattants.
C'est de cette façon que, pour votre service...

DON ALONSE.
Sire, Chimène vient vous demander justice.

DON FERNAND.
La fâcheuse nouvelle et l'importun devoir !
Va, je ne la veux pas obliger à te voir :
Pour tous remerciements il faut que je te chasse;
Mais avant que sortir, viens, que ton roi t'embrasse.

DON DIÈGUE.
Chimène le poursuit, et voudrait le sauver.

DON FERNAND.
On m'a dit qu'elle l'aime, et je vais l'éprouver.
Montrez un œil plus triste.
Enfin, soyez contente,
Chimène; le succès répond à votre attente.
Si de nos ennemis Rodrigue a le dessus,
Il est mort à nos yeux des coups qu'il a reçus ;
Rendez grâces au ciel qui vous en a vengée.
(à Don Diègue. )
Voyez comme déjà sa couleur est changée.

DIN DIÈGUE.
Mais voyez qu'elle pâme, et d'un amour parfait,
Dans cette pâmoison, Sire, admirez l'effet.
Sa douleur a trahi les secrets de son âme,
Et ne vous permet plus de douter de sa flamme.

CHIMÈNE.
Quoi ! Rodrigue est donc mort ?

DON FERNAND.
Non, non, il voit le jour,
Et te conserve encore un immuable amour.
Calme cette douleur qui pour lui s'intéresse.

CHIMÈNE.
Sire, on pâme de joie ainsi que de tristesse ;
Un excès de plaisir nous rend tout languissants,
Et quand il surprend l'âme, il accable les sens.

DON FERNAND.
Tu veux qu'en ta faveur nous croyions l'impossible ;
Chimène, ta douleur a paru trop visible.

CHIMÈNE.
Hé bien ! Sire, ajoutez ce comble à mon malheur,
Nommez ma pâmoison l'effet de ma douleur :
Un juste déplaisir à ce point m'a réduite ;
Son trépas dérobait sa tête à ma poursuite.
S'il meurt des coups reçus pour le bien du pays,
Ma vengeance est perdue, et mes desseins trahis.
Une si belle fin m'est trop injurieuse :
Je demande sa mort, mais non pas glorieuse,
Non pas dans un éclat qui l'élève si haut,
Non pas au lit d'honneur, mais sur un échafaud !


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