La présidence de la Chambre des députés est une fonction d'un ordre tout particulier qui impose à celui qui l'exerce des devoirs dont il doit avoir une conscience très nette. Chargé de diriger les débats parlementaires, le président doit s'efforcer de maintenir intacte son autorité précisément parce qu'elle doit être constamment au service de tous. Toute assemblée délibérante est partagée entre divers partis politiques. C'est là le régime sain, normal. Le Gouvernement qui a la charge de l'exécutif doit être l'expression de la majorité qui s'est dégagée au cours des votes essentiels. Il peut n'en pas être de même pour le président, cela existe un peu partout. Le Parti Socialiste est une grand école de politique. Les hommes qui ont vécu dans ses cadres ont appris le sens de l'action et aussi celui de la discipline. Pour ne parler que de la présidence des débats parlementaires, chacun se rappelle quel président incomparable fut Jaurès qui consentit en 1903 à accepter la vice-présidence. Il dirigea plusieurs débats importants. La hauteur de son esprit lui rendait facile une impartialité que sa cordialité savait faire aimable. À une époque qui n'est pas très éloignée de nous, Arthur Groussier montra au fauteuil des qualités de premier ordre. Pendant la législature de 1919 à 1924, la majorité qui n'était certes pas de gauche ne cessa d'apprécier sa décision et sa clarté d’esprit. Depuis le début de 1927, j'ai pris à mon tour le fauteuil présidentiel et puisque le Parti Socialiste joue depuis de nombreuses années son jeu dans le jeu général des partis, personne ne s'étonne plus que le président de l'assemblée soit choisi dans ses rangs. Au reste, le Chambre française n'est pas la seule dans ce cas. Pendant de longues années, notre ami Brunet fut président socialiste à la Chambre belge alors que la majorité gouvernementale était passée entre les mains de la coalition des catholiques et des libéraux. En Pologne, notre ami Daszyński, présidant la Diète en qualité de maréchal, c'est avec une vigueur et aussi un courage qui sont admirés par tous ceux qui dans ce pays veulent maintenir les droits du parlement. Et quant à Paul Loebe, il est maintenant d'année en année à la tête du Reichstag à la satisfaction générale. Le régime parlementaire, pour être bien pratiqué, a besoin de règles clairement énoncées. Le règlement que les députés se sont librement donné constitue leur charte commune. Il peut en certaines circonstances n'être pas agréable de se le voir appliqué, il peut même être désagréable de l'appliquer mais c'est pour chacun un devoir strict de s'y soumettre. Un président qui ne se ferait pas une loi d'appliquer à tous la loi commune perdrait vite son autorité et ce serait justice. Dans une assemblée, on ne délibère et on ne peut délibérer que dans l'ordre et la clarté.