"Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !". Lorsque Karl Marx et Frédéric Engels lancèrent pour la première fois cet appel quelques mois avant la révolution de 48, leur voix fut entendue par quelques milliers d'hommes à peine. Quinze ans après, l'Internationale était fondée. Aujourd'hui, l'Internationale Ouvrière et Socialiste constitue la plus puissante organisation politique du monde. Et malgré l'hiatus sanglant de deux guerres, malgré les scissions funestes qui ont rompu l'unité du prolétariat, malgré l'action plus néfaste encore de dictatures réactionnaires, la pensée révolutionnaire de Marx pénètre de plus en plus dans des millions de cerveaux. Avant 1914, au temps de ce que l'on appelle aujourd'hui la seconde Internationale, il arrivait assez souvent que dans l'une ou l'autre des maisons du peuple, pendant un congrès, on voyait à la même table des hommes inégalement notoires qui s'appelaient par exemple Lénine, Ebert, Karl Renner, MacDonald, Stowning ou Branting. Ils eussent été les premiers à rire si l'une des sorcières de Macbeth se levant parmi eux avait dit : "Salut à vous, Stowning et Branting, avant dix ans vous gouvernerez votre pays. Salut à vous, Ramsay, MacDonald, vous serez deux fois le premier ministre du plus puissant des empires et, après voir éveillé les plus vastes espérances, vous serez pour l'Internationale la plus amère des déceptions. Salut à vous, Renner, Ebert et Lénine, vous serez les successeurs directs de l'empereur d'Autriche, du Kaiser d'Allemagne et du tsar de toutes les Russies". L'invraisemblable cependant s'est accompli. Vingt trônes se sont écroulés. Les trois dernières grandes monarchies militaires ne sont plus. Et d'autre part, à ceux qui au lendemain de la guerre proclamaient la faillite de l'Internationale et la mort du socialisme, l'Internationale peut répondre : "Je suis plus forte que je n'ai jamais été" et le socialisme peut dire : "Je suis la seule grande chose vivante dans un monde qui se meurt, tué par de mortelles et monstrueuses contradictions". À mesure que ces contradictions se développent, il apparaît de plus en plus que pour les peuples il n'y a plus d'autre choix qu'entre le capitalisme et la guerre, le socialisme et la paix. À cette heure où les destins se nouent, nous parions pour le socialisme, nous disons avec Renan : "J'ai confiance qu'à la longue la science et la paix l'emporteront sur l'ignorance et la guerre".