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Titre : | La passion de notre frère le poilu |
Compositeur(s) et-ou auteur(s) : | Leclerc, Marc |
Interprète(s) : | Leclerc, Marc |
Genre : | Discours de circonstance |
Fichier audio : | |
Photo(s) : | |
Support d'enregistrement : | Disque |
Format : | 30 cm aiguille (enregistrement électrique) |
Lieu d'enregistrement : | Paris, France |
Marque de fabrique, label : | Hébertot |
Numéro de double-face : | FY-60000 |
Numéro de matrice : | 6047-RB |
Instruments : | Déclamation, diction, monologue |
État : | Exc++ |
Vitesse (tours/minute) : | 78 |
Matériel employé au transfert : | Garrard 401, SME 3012, pointe 2,5CT sur Shure M44G, Elberg MD12 : courbe US30, passe-bas 5kHz, Cedar X declick, decrackle, dehiss |
Date du transfert : | 17-02-2017 |
Commentaires : | Texte du contenu ci-joint. Première Guerre mondiale, Grande Guerre, 1914-1918. Marc Leclerc, (1874-1946), écrivain français, saumurois, spécialiste des parlers d'Anjou, journaliste, écrivain, chansonnier et comédien. Il écrivit beaucoup sur l'Anjou, tant en français qu'en patois angevin, auteur de nombreux ouvrages régionalistes, créateur des " rimiaux " |
Texte du contenu : | La passion de notre frère le Poilu
Paroles et musique : Marc Leclerc - Éditeur : Georges Crès et Cie, Paris (1916) C'était un pauv' bougre d' Poilu, Qui s'en allait sous la mitraille. Vantié ben qu'i n'aurait voulu Être en aut' part qu'en la bataille : Mais, du moment qu' fallait qu'î n'y aille, Ben, i n'y allait, tout simplement ; Sachant ben que, contr' sa misère, Y a point à fair' de raisoun'ment, Et qu' les gas qui cultiv' la terre, C'est leur devoir ed' la défendre, S'raient-is territoriaux fourbus... C'est point difficile à comprendre Qu' tout l' mond' peuv' point fair' des obus : Faut êt' ouverrier, ou notaire, Pour fair' son D'voér sur l' front d'l'arrière ! ...Dam' ya pus d' risqu' sus çui d' l'avant Les obus qu'on voét, l' pus souvent, Quant'on est qu'ein pauv' fantaboche, C'est ceuss' que vous envoy' les Boches. ...Les nôtr' ça r'gard' nos artilleurs. À c' qu'îs dis', is sont côr meilleurs !. .. L' Poilu, avec ses camarades, S'en allait en corvée d'guèrnades : I fesait un temps ben maussade, Nuit noér', d' la neige et du varglas : On s' foutait par terre à chaqu' pas, En butant les trous d' marmites, Et qu'es trous. bon Guieu, point des p'tites ! Pûs qu'on allait, pûs qu'y en avait. On n'aurait dit qu'i n'en pleuvait ! V'là qu' tout-à-coup un deux cent dix Éclate à pas vingt-cinq mètr' de eux. ET l' Poilu crie : « Ah ! j' sis touché, mon Guieu ! » Et sus les g'noux le v'là qui glisse, Et pis qui s'en va à l'envars, Avec son pouv' coûté ouvart, Et son sang qui coulait par terre. .. Au caporal i dit : « Gas Pierre, « Faut qu' tu prévienn' ma femm' cheuz nous : « Dis n'y d'abord que j' sis malade. « Pour qu'a n' sach' point ça tout d'un coup. « Dans mon port' monnaie. y a cent sous. « Ça s'ra... pour les copains... d' l'escouade. « Pis... faut prend' mon sac de. grenades ». Pis, ayant dit son testament, I rendit son âm' tout douc'ment... V'là dans la nuit l'àm' qui s'envole : En l' fin fond du Ciel' sans bouchole, A n'a vit' trouvé l' Paradis : Y avait saint Pierr' sûs l' pas d'la porte, Qu'était en train d' battr' ses tapis, Et qui crie d'abord d'eun voéx forte : « Essuyez vos pieds en entrant, « Prenez l' collidor à drête. « C'est en l' bout, la Sall' du Jug'ment. « Vous n'attendrez sûs la banquette ! » Et l' Poilu, î n'y va en tremblant ; Y avait en l' fond un ang' tout blanc, Qui n'y a d'mandé son matricule, Son nom, sa classe, et tout l' fourbi ! Ben, l' pauvre gas en restait ébaubi, Dret en l' mitan du vestibule, I n'était là denpuis queuque temps, Quand l'Ang' n'y dit : « On vous attend ! » L' v'là dans eun' magnièr' d'église Coume î n'avait ren vu d' pareil : Ça n'était que dor et varmeil. Enfin, en 1' fond, le v'là qu'avise L' Bon Guieu, assis sus n'un soleil, Enter le Christ et la Boun' Viarge, Et d' chaqu coûté six boéssaux d'cierges : Pis des tas d' saints, ein p'tit pûs bas... Y avait surtout des saints soldats,. Avec des casqu' et des cuirasses : Saint Georg', saint Hubert, saint Michel Sus son guiabl' qui fait la grimace, Saint Léonard et saint Marcel, Saint Charlemagne avec sa barbe, Saint Martin, saint Sulpic', saint' Barbe, Qui manœuvrait son p'tit canon, Saint Maurice et ses compagnons, Et Jeann' d'Arc avec sa bagnière. En voyant tous ces militaires, L' Poilu s' dit: « C'est l' Conseil de guerre !... « Y a des chanc' que j' vas écoper !...» Mais y avait point à s'échapper Et tout d' suit c' fut l'interrogatoire : « Voyons racont' moé ton histoére ! » — Que dit l' Bon Guieu au pauv' Poilu, - « Qué qu' tu fesais avant la guerre ? « — Ben, mon Guieu, j' cultivains la terre... « C'est un méquier qu'enrichit guère, « Et j'étions pas trop rich' non pûs ; « Mais on s' suffit quant' n'on travaille : « Ma foi, j' vivions tous sans trop d' mal, « J'avions eun' paire d' bœufs, eun ch'val, « Eun' vache, eun' femme, et queuqu' volailles, « Et eun gorin, sauf vout' respect... « — Ah ! qu' dit saint Antoin, ça m' connait, « Les gorins !. sois béni, mon frère ! » Mais le Bon Guieu fronça les sourcils, Et saint Antoine, î s' fit tout p'tit. « - Et donc ti qu' t'étais militaire, « As-tu point trop souvent fauté ? « - Ben, mon bon Guieu, ni trop ni guère, « Pour ben vous dir' la vérité « I m'a arrivé d' prendr' la cuite, « Mais faut vous dir' que j' sés Ang'vin « Et pis, c'était d' si triste vin « Qu' la faute, a doit n'en êtr' pûs p'tite ! » V'la que l' Pèr' Noé, l' patriarche, S'écrie : « C'est point ben grand péché. « Si y avait qu' moé pour l'empêcher, « J' dirais des' foés : En avant, Arche ! » — « Eune aut' foès j'ons eu d' la prison « Mais moi, j' crais ben qu' j'avains raison « J'avains déchiré ma culotte... « Alors, moé, pour n'y r'mettre un fond, « Pour qu'on n' voéy' point mon pauv' croupion, « J'ons coupé un pan d'ma capote. « Et l' capiston m'a foutu d'dans « Rapport qu' j'avains fait du dommage « Aux effets du gouvarnement ! » Saint Martin dit : « Assurément, J'en avais point fait davantage. » « L' jour où j'ai coupé ma tunique « Pour couvrir un paralytique. « Et moé, on m'a canonisé. » « Moi, dit l' Poilu, is m'ont baisé... « Seul'ment, j' m'étains couvart moé meime ! « Faut crair' que c'est ein aut' système !... — « Eune auter' foés, j'ons eu tant d'poux « Qu' j'ons jamais pu les occir tous ». « - Moi, j' les gardais, dit l' bon saint Labre « Fallait fair' comm' moi, et t'gratter « En cultivant l'humilité ! » Mais saint Michel, l'air dégoûté, L' fit circuler à coups d' plats d'sabre. « Enfin, Seigneur, si j'ons fauté, « J'ons eu aussi ben d' la misère « Et ben d' la peine à supporter ; « J'ons souffert de ben des magnières : « D' la faim, d' la fret', d' la chaud aussit ; « J'ons point toujours dormi la nuit ; « J'ons ben souvent, au long des routes, « Traîné mes pauv' pieds écorchés « Tell'ment longtemps j'avions marché « En pardant ma sueur à gross' gouttes « Sous l' poids du sac qu'étaint si lourd !... « Ya meime eu des foés, dans les côtes, « Que j'ons porté les sacs des aut'es, « Malgré qu' moi-meim' j'étions ben las !... » Et saint Simon disait tout bas : « Comm' nous, Seigneur, au Golgotha !... » « Enfin me v'là d'vant vous ast heure : J' ses eune am' sans corps et sans demeure Seigneur, Seigneur si j'ons fauté, L'aurais-j' donc point assez rach'té?... J'ons pu d' sang et me v'là tout blême. Voyez la plaie à mon coûté !...» Saint Thomas dit : En vérité « Seigneur Jésus, c'était la même ! » Et comm' le Bon Guieu n' disait ren V'là que l' Poilu montra d' la main Le manteau bleu d' la Vierge Mère La grand' barbe blanche à Dieu l' Père Et la rob' rouge à Not' Seigneur, Et dit : « Les voilà mes trois couleurs ! « C'est les trois couleurs de la France « Et c'est pour ell' toutes mes souffrances « C'est les couleurs de mon Drapiau, « Les trois couleurs de ma Patrie « Pour qui j' m'ai fait trouer la piau ; « C'est pour ell' qu' j'ai perdu la vie, « Et c'est pour ell' que j'sés d'vant vous, « Père éternel, sûs mes deux g'noux! » Et voélà que le Bon Guieu sourit Et qu' darrièr' lui le Ciel s'ouvrit. Et l' Poilu vit qu' parmi les Anges I s'avait produit du melange Y avait assis en parmi d'eux Des tas d' Poilus, l'air ben heureux, Avec des capot' bleu d'azure, Qu'avaient l'air d'êtr' fait' sur mesure, Et, sus la têt' des casqu' en or ; Chacun n'avait eun' grand' pair' d'ailes Pour aller partout sans effort, Sans pûs jamais mouiller ses s'melles, Et pour pouvoér fair' trent' six lieues Sans pûs jamais avoér d'ampoules. Et l' Poilu s'assit en la foule En chantant d' tout cœur avec eux « Gloére à Dieu au plus haut des Cieux ! » Tandis qu' les Ang', dans la lumière Leur répondaient d' tous les côutés : « Et que la Paix seye sus la terre « Pour les homm' de boun voulonté ! » |
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