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Titre : | Le coeur populaire ; jasante de la vieille |
Compositeur(s) et-ou auteur(s) : | Rictus, Jehan |
Interprète(s) : | Bovy, Berthe |
Genre : | Diction : théâtre |
Fichier audio : | |
Photo(s) : | |
Support d'enregistrement : | Disque |
Format : | 25 cm aiguille (enregistrement électrique) |
Lieu d'enregistrement : | Paris, France |
Marque de fabrique, label : | Columbia |
Numéro de double-face : | BF7 |
Numéro de catalogue : | L-3434 |
Numéro de matrice : | WL-3434-1 |
Instruments : | Déclamation, diction, monologue |
État : | Exc++ |
Vitesse (tours/minute) : | 78 |
Matériel employé au transfert : | Garrard 401, SME 3012, pointe 3,2ET sur Shure M44G, Elberg MD12 : courbe Columbia, Cedar X declick, decrackle, dehiss |
Date du transfert : | 18-02-2017 |
Commentaires : | Texte du contenu ci-joint. Socialisme, misère sociale |
Texte du contenu : | Le coeur populaire ; jasante de la vieille
Jehan Rictus Le poème : Bonjour... c’est moi... moi ta m’man. J'suis là... d'vant toi... au cimetière. (Aujourd’hui y aura juste un an. Un an passé d’pis ton affaire.) Louis ? Mon p’tit..., m’entends-tu seul’ment ? T’entends-t’y ta pauv’ moman d’mère, Ta «Vieill’ », comme tu disais dans l’temps ? Ta « Vieil!’ », qu’alle est v’nue aujord’hui Malgré la bouil'asse et la puïe Et malgré qu‘ ça soye loin... Ivry ! Alorss... on m’a pas trompée d’ lieu ? C’est ben ici les « Condamnés »? C’est là qu’ t’es d’pis eun’ grande année ? Mon Dieu, mon Dieu! Mon Dieu, Mon Dieu ! Et où donc? Où c’est qu’on t’a mis ? D'quel côté? Dis-moi... mon ami ? C’est plat et c’est nu comm’ la main : Y a pas eun’ tombe... pas un bout d’croix, Y a rien qui marqu’ ta fosse à toi... Pas un signe.. . pas un nom d’baptême Et rien non pus pour t’abriter ! (J' dis pas qu’ tu l’as point mérité, Mais, pour eun’ mèr’, c’est dur tout d’même !) Louis... Tu sais ?.. Faut que j’ te confesse, Depis un an... d’pis... ton histoire, J’ suis pus tournée qu’aux idées noires Et j’ai 1’ cœur rien qu’à la tristesse : Aussi présent j’ suis tout’ sangée. J’ suis blanchie... courbée... ravagée Par la honte et par le tourment. (Si tu pourrais m’voir à présent, Tu m’ donn’rais pus d’ quatre-vingts ans !) Et pis, j’ai eu ben d’la misère... (Ça m’a fait du tort, tu comprends !) Quand on a su qu’ j’étais ta mère, J’ai pus trouvé un sou d’ouvrage, On m’a méprisée dans l’ quartier, Et l’a fallu que j’ déménage. Depis... dans mon nouveau log’ment J’ vis seule et j’ peux pas dir’ comment. Comme eun’ dormeuse, eun’ vrai’ machine. J’ cause à personn’ de ton malheur, J’ pense à toi, et tout l jour je pleure, Mêm’ quand que j' suis à ma cuisine. L’ matin ça m’ prend dès que j’ me lève, J’ te vois... j’ te cause... tout haut... souvent Comm’ si qu’ tu s’rais encor vivant ! J’ mange pus, j’ dors pus, tant ça m’fait deuil, Et si des fois j’ peux fermer l’œil. Ça manqu’ pas... tu viens dans mes rêves. C’te nuit encor’ j’ t’ai vu plein d’ sang : Tu t’nais à deux mains ta pauv’ tête Et tu m’ faisais : « Moman... Moman ! » Mais moi j’ pouvais rien pour t’aider; Moi... j’étais là à te r’garder, Et j’ te tendais mon tabellier ! Pens’, Louis, dans l’temps, quand t’étais p’tit, Qui qu’aurait cru... qui m’aurait dit Qu’ tu finirais comm’ ça un jour, Et qu’ moi on m’ verrait v’nir ici; Quand t’étais p’tit, t’étais si doux ! Présent... je r’vois tout not’ passé Lorsque t’allais su’ tes trois ans, Et qu’ ton pepa m’avait quittée En m’ laissant tout’ seule à t’él’ver. Comme ej’ t’aimais... comme on s’aimait ! Qu’on était heureux tous les deux, Malgré des fois des moments durs Où y avait rien à la maison ! Comme ej’ t’aimais... comme on s’aimait ! C’était toi ma seul’ distraction, Mon p’tit mari... mon amoureux ! C’est pas vrai, est-ce pas ? C’est pas vrai Tout c’ qu’on a dit d’toi au procès ? Su’ les jornaux c’ qu’y avait d’écrit, Ça n’était ben sûr qu' des ment’ries ? Mon p’tit à moi n’a pas été Si mauvais qu’on l’a raconté... (Sûr qu’étant môme, comm' tous les mômes T'étais des fois ben garnement, Mais pour crapule on peut pas l’ dire.) T’étais si doux.. . et pis... si beau, Mignon peut’êt... mais point chétif, À caus’ que moi j’ t’avais nourri. T’étais râblé, frais et rosé, [var. : T'étais frais à l’œil et rosé] T’étais tout blond et tout frisé Comme un n’amour... comme un agneau... J’ai cor de toi eun’ boucle ed’tifs Et deux quenott’s, comm’ deux grains d’riz. Mon plaisir... c’était l’soir venu., Avant que d’te mette au dodo, De t’ déshabiller tout « entière », Tant c’était divin d' te voir nu. Et j’t’admirais... j’te cajolais, J’ te faisais « proutt » dans ton p’tit dos, Et j’te bisais ton p’tit darrière. (J’ t’aurais mangé si j’aurais pu !) Et pis t’étais si caressant, Et rusé, et intelligent ! Oh! intelligent... fallait voir. Pour c’ qui regardait la mémoire, T’apprenais tout c’que tu voulais, Tu promettais... tu promettais.. . (Et dir’ qu’ t’es là-d’ssous à présent, Par tous les temps qu’y neige ou pleuve ! Ah! qué crèv’-cœur! Qué coup d’couteau ! On a ratissé mon château, On m’a esquinté mon chef-d’œuvre !) J’en ai t’y passé d’ces jornées Durant des années... des années, À turbiner pir’ qu’un carcan Pour gagner not’ pain d’ tous les jours Et d’quoi te garder à l’école... Et j’en ai t’y passé d'ces nuits (Toi dans ton p’tit lit endormi) À coude auprès de l’abat-jour Jusqu’à la fin de mon pétrole ! Des fois... ça s’ tirait en longueur ! Mes pauv’s zyeux flanchaient à la peine. Alorss en bâillant dans ma main J’écoutais trotter ton p’tit cœur Et souffler ta petite haleine, Et rien qu’ ça m’ donnait du courage, Pour me r’mett’ dar’-dare à l’ouvrage Qu’y m’ fallait livrer le lend’main : Que d’fois j’ai eu les sangs glacés Ces nuits-là pour la moindre toux ! J’avais toujours peur pour le croup, Rapport, au mauvais air du faubourg Où nous aut’s on est entassés. T’ rappell’s-tu, quand tu t’ réveillais, Le croissant chaud... 1’café au lait? T’ rappell’s-tu comme ej’ t’habillais? Eh ben... pis nos sorties, 1’dimanche... Tes beaux p’tits vernis, ta rob’ blanche. (T’étais si fin .. si gracieux, Tu faisais tant plaisir aux yeux Qu’on voyait les gens se sar’tourner Pour te regarder trottiner.) Ah! en c’ temps-là, dis, mon p’tit, De qui c’est qu’ t’étais la fifille. L’amour, le trésor, le Soleil, De qui c’est que t’étais l’Jésus ? De ta Vieille... est-c’ pas ? de ta Vieille... Qui faisait tout’s tes volontés ? Qui t’a pourri ? Qui t’a gâté ? Qui c’est qui n’ t’a jamais battu ? Et l’année d’ ta fluxion d'poitrine. Qui t’a veillé, soigné, guéri ? C’est-y moi ou ben la voisine ? Et à présent qu’ te v’là ici Comme un chien crevé, eune ordure, Comme un fumier, eun’ pourriture, Sans un brin d’fleurs, sans eun’ couronne, N’avec la crèm’ des criminels... Qui c’est qui, malgré tout, vient t’ voir ? Qui, qui t’esscuse et qui t’ pardonne ? Qui c’est qu'en est la pus punie ? C’est ta Vieill’... vois-tu.. ta fidèle, Ta pauv’ vieill’ loqu’ de Vieill’, vois-tu ! Mais j’ bavard’... moi... j 'us’ma salive, La puie cess’ pas... la nuit arrive, Faut que j’ m’en aill’, moi... il est l’heure : Présent... c’est si loin où j’ demeure... Et pis quoi, qu’est-c’ que c’est qu’ ce bruit ? On croirait de quéqu’un qui s’ plaint... On jur’rait qu'a quéqu’un qui pleure... Oh ! Louis, réponds, c’est p’t-êt’ ben toi Qui t’ fais du chagrin dans la Terre... Seigneur ! si j’allais cor te voir Comme c’te nuit dans mon cauch’mar ! (Tu vourais pas m’ fair’ cett’ frayeur ?) Oh ! Louis... si c’est toi... tiens-toi sage, Sois mignon... j’arr’viendrai bientôt... Seul’ment... fais dodo... fais dodo, Comme aut’fois dans ton p’tit lit, Tu sais ben... ton petit lit cage... Chut ! c’est rien qu’ ça, pleur’ pas, j’ te dis. Fais dodo, va... sois sage... sage, Mon pauv’ tout nu... mon malheureux, Mon petiot... mon petit petiot. |
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