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Titre : | Le sous-préfet aux champs |
Compositeur(s) et-ou auteur(s) : | Alphonse Daudet |
Interprète(s) : | Camille Dumény [Camille Georges Richomme] |
Fichier audio : | |
Photo(s) : | |
Support d'enregistrement : | Disque |
Format : | 27 cm aiguille (enregistrement acoustique) |
Lieu d'enregistrement : | Paris, France |
Marque de fabrique, label : | APGA |
Numéro de catalogue : | 1252 |
Date de l'enregistrement : | 1906 |
Instruments : | diction |
État : | Exc++ |
Vitesse (tours/minute) : | 78 |
Matériel employé au transfert : | Stanton 150, SME-Clément, pointe 2,7ET sur Shure M44G, Elberg MD12 : courbe flat, passe-bas 6,5kHz : Cedar X declick, decrackle, dehiss |
Date du transfert : | 02-07-2017 |
Commentaires : | Texte du contenu ci-joint. |
Texte du contenu : | Le sous-préfet aux champs
Monsieur le sous-préfet est en tournée. Cocher devant, laquais derrière, la calèche de la sous-préfecture l’emporte majestueusement au concours régional de la Combe-aux-Fées. Pour cette journée mémorable, monsieur le sous-préfet a mis son bel habit brodé, sa culotte collante à bandes d’argent et son épée de gala à poignée de nacre… Sur ses genoux repose une grande serviette en chagrin gaufré qu’il regarde tristement. Monsieur le sous-préfet regarde tristement sa grande serviette en chagrin gaufré ; il songe au fameux discours qu’il va falloir prononcer tout à l’heure devant les habitants de la Combe-aux-Fées : — Messieurs et chers administrés… Mais il a beau répéter vingt fois de suite : Messieurs et chers administrés… en tortillant la soie blonde de ses favoris, la suite du discours ne vient pas. La suite du discours ne vient pas… Tout à coup monsieur le sous-préfet tressaille. Là-bas, au pied d’un coteau, il vient d’apercevoir un petit bois de chênes verts qui semble lui faire signe. Le petit bois de chênes verts semble lui faire signe. Dans le petit bois de chênes verts il y a des oiseaux, des violettes, et des sources qui courent sous l’herbe fine… Tout ce petit monde-là n’a jamais vu de sous-préfet, et se demande à voix basse quel est ce beau seigneur qui se promène en culotte d’argent. À voix basse, sous la feuillée, on se demande quel est ce beau seigneur qui se promène en culotte d’argent… Pendant ce temps, monsieur le sous-préfet, ravi du silence et de la fraîcheur du bois, dégrafe son bel habit, pose son claque dans l’herbe et s’assied dans la mousse au pied d’un jeune chêne ; puis il ouvre sur ses genoux sa grande serviette en chagrin gaufré et en tire une large feuille de papier ministre. — C’est un artiste ! dit la fauvette. — Maos non, dit le bouvreuil, c’est pas un artiste, puisqu’il a une culotte en argent ; c’est plutôt un prince. — C’est plutôt un prince, dit le bouvreuil. — Mais ni un artiste, ni un prince, interrompt un vieux rossignol qui a chanté toute une saison dans les jardins de la sous-préfecture… Je sais ce que c’est, moi : c’est un sous-préfet ! Et tout le petit bois s'en va chuchotant : — C’est un sous-préfet ! c’est un sous-préfet ! — Comme il est chauve ! remarque une alouette à grande huppe. Les violettes demandent : — Est-ce que c’est méchant ? — Est-ce que c’est méchant ? demandent les violettes. Le vieux rossignol répond : — Pas du tout ! Et là-dessus, voilà les oiseaux qui se remettent à chanter, les sources à courir et les violettes à embaumer, comme si monsieur le sous-préfet n’était pas là… Impassible au milieu de tout ce joli tapage, monsieur le sous-préfet invoque dans son cœur la Muse des comices agricoles, et, le crayon levé, se met à déclamer de sa belle voix de cérémonie : — Messieurs et chers administrés… — Messieurs et chers administrés, a déclamé le sous-préfet… Mais alors voilà les petites violettes qui se haussent vers lui sur le bout de leurs tiges et qui lui disent doucement : — Monsieur le sous-préfet, sentez-vous comme nous sentons bon ? Et, dans la mousse, les sources lui font une musique divine ; et dans les arbres, au-dessus de sa tête, des tas de fauvettes viennent lui chanter leurs plus jolis airs ; et tout le petit bois conspire pour l’empêcher de composer son discours. Tout le petit bois conspire pour l’empêcher de composer son discours… Monsieur le sous-préfet, grisé de parfums, ivre de musique, essaye vainement de résister au charme nouveau qui l’envahit. Il balbutie encore deux ou trois fois : — Messieurs et chers administrés… Messieurs et chers… Et puis il envoie les administrés au diable ; et la Muse des comices agricoles n’a plus qu’à se voiler la face. Voile-toi la face, ô Muse des comices agricoles !… Lorsque, au bout d’une heure, les gens de la sous-préfecture, inquiets de leur maître, sont entrés dans le petit bois, ils ont vu un spectacle qui les a fait reculer d’horreur… Monsieur le sous-préfet était là, dans l’herbe, débraillé comme un bohème. Il avait mis son habit bas… et, tout en mâchonnant des violettes, monsieur le sous-préfet faisait des vers. Commentaire de monsieur Dumény sur Le sous-préfet aux champs. Si, parmi les contes exquis d'Alphonse Daudet, on osait avoir une préférence, on pourrait peut-être dire que Le sous-préfet aux champs est le plus joli. On peut au moins proclamer que c'est le plus populaire et un de ceux qu'on ne se lasse jamais d'entendre. Cette prose qui semble si simplement écrite est si colorée, si vivante, si pleine de soleil provençal, l'ironie en est si fine, si bienveillante, mais oui, si bienveillante, que ce sous-préfet est tellement sympathique, on le comprend si bien ! Ça doit être si ennuyeux de faire des discours aux habitants de la commune de la Combe-aux Fées ! Il faut donc, en disant ce joli morceau, présenter son héros avec malice mais sans méchanceté. Il faut plaindre ce pauvre fonctionnaire cinglé dans sa redingote administrative qui se laisse bercer dans sa calèche et qui, somnolant sur la route poudreuse, n'est réveillé que par l'attirante fraîcheur du petit bois de chênes verts. Servez-vous de la répétition si spirituelle des fins de phrases qui se reprennent au commencement de l'alinéa suivant. Obtenez-en un effet de charme en les variant le plus possible. Dépeignez le calme du petit bois, les sarments qui amènent l'arrivée du sous-préfet et de son bel habit brodé. Jouez légèrement avec les répliques si heureuses du bouvreuil, du vieux rossignol et de la petite fauvette et présentez bien délicatement les timides violettes qui demandent si gentiment : Est-ce que c'est méchant ? Le bon sous-préfet poète ne peut résister longtemps à tant de grâce et de poésie, il est facilement vaincu. Il faut dépeindre l'amusant combat qu'il se livre à lui-même et puis sa brusque détermination : les administrés au diable ! au diable l'habit brodé ! il fait trop beau, trop frais, trop parfumé dans le charmant petit bois de chênes verts ! Et alors quelle jolie trouvaille que la gravité du poète qui semble prendre au sérieux l'inconscience du sous-préfet, qui s'indigne contre son manque de tenue, son infidélité à la muse des comices agricoles et la puérilité de ses distractions : Monsieur le sous-préfet faisait des vers !... C'est absolument exquis |
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