Je vas vous lire une lettre que j'ai-z-envoyée à mes parents.
Vous allez voir si c'est tapé :
Chers parents,
Je suis comme qui dirait putréfié en mettant la main-z-à la plume afin de vous inculquer une nouvelle qui va vous retourner les boyaux du cœur comme une vieille paire de ribouis. Cette nouvelle qui est nouvelle sans l'être, attendu qu'elle date de ma naissance, est si dramatique, sans l'être tout en l'étant, que si vous en devenez pas dingos d'autorité, vous en resterez sûrement gagas pour le restant de vos jours. N'empêche que je suis heureux que ce malheur vous arrive grâce à moi, comme ça tout se passera en famille.
Maintenant que le coup est porté, si vous n'êtes pas morts, écoutez-moi jusqu'au bout. Ce matin, à la revue d'installage, le major m'a-z-avoué que j'avais l'air maphrodite. Paraît que c'est-z-une maladie qui vous prend dans les talons et s'arrête au nombril, ce qui fait qu'on a les organes caporaux et généraux apostrophiés. Après ça, on n'est plus ni homme ni femme, pas même Auvergnat. Paraît que, si je reste longtemps dans cette situation, je finirai par devenir fille à moins d'une opération nombrilicale. Je remets donc mon sesque entre vos mains.
L'opération, pour que je soye garçon ne coûtera que dix francs. N'hésitez donc pas à m'envoyer ce mandat auquel vous ajouterez quarante sous pour boire un coup avec les infirmiers qui m'escorteront le courage pendant cette opération pénible et sessuelle. Pour être fille, ça coûtera une pièce de dix sous de moins mais je ne crois pas que cette somme infirme vaille la peine qu'on s'arrête dessus pour l'approfondir. Comme garçon, j'aurais quelque chose de plus tandis que, comme fumelle, on me garderait sûrement pour servir de cantinière et mes copains qui en pincent pour ce genre de Vénus seraient assez salauds pour me faire la cour sans quartier et par me foutre enceinte. De plus, si ce malheur m'arrivait grâce à vous, je n' saurais plus quoi faire en quittant le régiment comme civil et je serais naturèblement obligé de me mettre nourrice sèche ou cocotte.
Rien de plus à vous dire, mes chers parents, si ce n'est que je souffre inconséquemment d'une douleur asiatique dans la fesse gauche avec laquelle je vous embrasse profondément.
Votre fils naturel qui vous doit la vie pour toujours
Athanase Céfan...