Je suis un bucolique. J'adore la campagne. Etn l'année dernièren j'avais dit à mon épouse : Si nous allions demeurer hors Paris ? Je connais un petite villa charmante à Puteaux, derrière la gare. On y voit des couchers de soleil magnifiques. Le soir, les cheminées d'usine se profilent sur l'horizon, empourprées comme des mâts de navires sur un ciel d'Italie. Bref, nous étions tellement emballés que nous emménagions au mois d'avril. D'abord nous avons semé du gazon sur la pelouse mais les moineaux ont mangé les graines. Alors, avec un vieux tapis et de la peinture verte, j'ai fait une pelouse artificielle. Comme ça, mon gazon était toujours tondu et je n'avais pas besoin de l'arroser. Ma femme était heureuse ! elle me disait : Tu sais, chéri, ici le pétrole coûte un sou de moins qu'à Paris. Ah ! le fait est qu'à Puteaux la vie est très agréable. Si, le soir, on ne sait pas où aller, alors on reste chez soi. Ça, ça fait des économies. En juillet, pendant les chaleurs, nous dînions le soir dans le jardin et, le dimanche, nous restions à l'ombre toute la journée. Mais je dois avouer que nous n'avions qu'un arbre de la grosseur d'un verre de lampe mais comme on ne pouvait pas attendre qu'il ait grandi, alors nous avons acheté un parasol à La Ménagère. C'est bien un peu étroit mais, quand le soleil tournait, nous changions le parasol de place. C'est très commode. Mes collègues savaient que j'habitais la campagne. Bah ! je pouvais pas faire autrement que de leur apporter de temps un temps un bouquet, par exemple un bouquet à mon chef de bureau. Eh ben, nous n'avions que trois roses et ma femme ne voulait pas que je les cueille. Alors j’allais acheter des fleurs aux Halles. Eh ben, ce sont des riens mais ça fait plaisir à un supérieur hiérarchique. Malgré tout, le jardin manquait un peu de fraîcheur et puis ma femme désirait un bassin avec des poissons. Rien de plus facile ! J'ai coupé un tonneau et j'ai fait un jet d'eau avec un vieux tuyau de gaz que j'ai fixé au robinet du jardin. Ensuite j'ai mis quelques poissons rouges dans le tonneau mais au bout de huit jours on ne voyait plus les poissons parce que l'eau était devenu trouble comme les égouts par un jour d'orage. Jusqu'au mois de septembre tout marchait à peu près mais avec la pluie mon tapis s'est mis à déteindre, le vent a déchiré mon parasol, mon tuyau est crevé, les poissons sont morts... non, mes poissons sont morts, mon tuyau est crevé, non, c'est le contraire, enfin, mes poissons sont crevés et mon tonneau est mort... Enfin, vous comprenez, n'est-ce pas. Eh puis avec ça j'arrivais tous les jours avec trente minutes de retard, naturellement, qu'est-ce que vous voulez ! Les trains de l’Ouest-État ! Et quand il y avait grève, j'arrivais pas du tout. Alors mon chef de bureau prenait mal la chose et j'ai été obligé de démissionner. Alors j'ai revendu mon tapis, mon parasol, mon tonneau, mon tuyau crevé et les poissons morts... mais j'adore toujours la campagne avec ses couchers de soleil et ses cheminées d'usine. Et si quelqu'un dans la salle possède une villa dans la banlieue, je ne demande pas mieux que d'y aller déjeuner tous les dimanches.