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Titre :La frégate La Sérieuse
Compositeur(s) et-ou auteur(s) :Alfred de Vigny
Interprète(s) :Enregistrement amateur ; Anonyme(s) ou interprète(s) non identifié(s)
Fichier audio :
Photo(s) :
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Support d'enregistrement :Cylindre
Format :Standard (enregistrement acoustique)
Lieu d'enregistrement :Paris, France
Instruments :Déclamation, diction
État :Exc++, monter à la fin
Vitesse (tours/minute) :109
Matériel employé au transfert :Archéophone, pointe 2 minutes sur Shure M44G, Elberg MD12 : courbe flat
Date du transfert :14-09-2018
Commentaires :Texte du contenu ci-joint.
Texte du contenu :La frégate La Sérieuse

Il faisait beau. — La mer, de sable environnée,
Brillait comme un bassin d’argent entouré d’or ;
Un vaste soleil rouge annonça la journée
Du quinze thermidor

La Sérieuse alors s’ébranla sur sa quille :
Quand venait un combat, c’était toujours ainsi ;
Je le reconnus bien, et je lui dis : Ma fille,
Je te comprends, merci

J’avais une lunette exercée aux étoiles ;
Je la pris, et la tins ferme sur l’horizon.
— Une, deux, trois — je vis treize ou quatorze voiles :
Enfin, c’était Nelson.

Il courait contre nous en avant de la brise ;
La Sérieuse à l’ancre, immobile s’offrant,
Reçut le rude abord sans en être surprise,
Comme un roc, un torrent.

Tous passèrent près d’elle en lâchant leur bordée ;
Fière, elle répondit aussi quatorze fois,
Et par tous les vaisseaux elle fut débordée,
Mais il en resta trois.

N’importe ! elle bondit dans son repos troublée,
Elle tourna trois fois, jetant vingt-quatre éclairs,
Elle rendit tous les coups dont elle était criblée,
Feux pour feux, fers pour fers.

Ses boulets enchaînés fauchaient des mâts énormes,
Faisaient voler le sang, la poudre et le goudron.
S’enfonçaient dans le bois, comme au cœur des grands ormes
Le coin du bûcheron.

Un brouillard de fumée où la flamme étincelle
L’entourait ; mais le corps brûlé, noir, écharpé,
Elle tournait, roulait, et se tordait sous elle,
Comme un serpent coupé.

Nous étions enfermés comme dans un orage :
Des deux flottes au loin le canon s’y mêlait ;
On tirait en aveugle à travers le nuage :
Toute la mer brûlait.

Mais quand le jour revint, chacun connut son œuvre .
Les trois vaisseaux flottaient démâtés et si las,
Qu’ils n’avaient plus de force assez pour la manœuvre.
Mais ma frégate, hélas !

Elle ne voulait plus obéir à son maître ;
Mutilée, impuissante, elle allait au hasard ;
Sans gouvernail, sans mât, on n’eût pu reconnaître
La merveille de l’art !

Engloutie à demi, son large pont à peine,
S’affaissant par degrés, se montrait sur les flots,
Et là ne restaient plus, avec moi capitaine,
Que douze matelots.

Je les fis mettre en mer à bord d’une chaloupe,
Hors de notre eau tournante et de son tourbillon,
Et je revins tout seul me coucher sur la poupe
Au pied du pavillon.

La Sérieuse alors semblait à l’agonie,
L’eau dans ses cavités bouillonnait sourdement ;
Elle, comme voyant sa carrière finie,
Gémit profondément.

Je me sentis pleurer, et ce fut un prodige,
Un mouvement honteux ; mais bientôt l’étouffant :
Nous nous sommes conduits comme il fallait, lui dis-je :
Adieu donc, mon enfant !

Elle plongea d’abord sa poupe et puis sa proue ;
Mon pavillon noyé se montrait en dessous ;
Et puis elle s’enfonça, tournant comme une roue,
Et la mer vint sur nous.



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