Faisons un large saut dans le passé. En l'an de grâce 1744, Chambéry, capitale de la Savoie, est en grande agitation artistique. Pendant un entracte de la guerre de succession d'Autriche s'était installé dans la capitale savoyarde l'infant don Felipe, ce jeune homme de 23 ans, chef d'une armée espagnole, futur gendre de Louis XV, entretenait naturellement une cour nombreuse. Aux princes, aux généraux, aux courtisans, il fallait en un cadeau de haute élégance des distractions incessantes. Où se procurer celles de l'opéra ? Dans la France prochaine, dans une grande ville distante seulement de 25 lieues, c'est-à-dire à Lyon. Là, au mois de février 1744, don Felipe avait été reçu de façon magnifique. Pour son Altesse Royale, le prévôt des marchands et les échevins lyonnais avaient organisé de grands concerts et de belles représentations lyriques. De ces fêtes, le prince avait gardé un bon souvenir. Dès que l'Opéra de Lyon put en été fermer ses portes, il fut invité à se transporter à Chambéry avec ses instrumentistes, ses chanteurs, ses danseuses et danseurs, sa machinerie et ses décorations. Parmi les solistes de la symphonie figurait un virtuose déjà célèbre, Jean-Marie Leclair, l'aîné de toute une famille de violonistes. Avec un talent reconnu par tous, il donna de nombreux concerts et joua surtout six concertos pour violon et orchestre dont il devait faire hommage à don Felipe, dédicace bien naturelle d'autant plus que le prince, assez bon violoncelliste jouait aussi du pardessus de viole. À ce titre, il put recevoir de Leclair de précieuses leçons. Des concerts savoyards de Jean-Marie Leclair l’aîné pouvons-nous retenir quelques échos ?
Oui ? Écoutons trois pièces du vieux maître lyonnais et chambérien et parisien présentées par l'orchestre de Lyon dans une transcription moderne de Raoul Barthalay.