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Titre :Inauguration de la statue d'Albert 1er à Paris [5] – Discours de Gaston Le Provost de Launay
Compositeur(s) et-ou auteur(s) :Gaston Le Provost de Launay
Interprète(s) :Gaston Le Provost de Launay
Genre :Discours de circonstance
Fichier audio :
Support d'enregistrement :Disque
Format :25 cm aiguille (enregistrement électrique)
Lieu d'enregistrement :Paris, France
Marque de fabrique, label :Pyral zinc – Radio actualités françaises 72, Champs-Élysées – Paris
Numéro de matrice :Py205
Date de l'enregistrement :1938-10-12
Instruments :Déclamation, diction, monologue
État :Exc++
Vitesse (tours/minute) :78,monter
Matériel employé au transfert :Stanton 150, SME-Clément, pointe 2,7E sur Shure M44, Elberg MD12 : courbe flat, Cedar X declick, decrackle
Date du transfert :17-04-2019
Commentaires :Texte du contenu ci-joint. Première Guerre mondiale, Grande Guerre, 1914-1918
Texte du contenu :Inauguration de la statue d'Albert 1er à Paris (1938)


1.
24 heures déjà avant l'arrivée de Sa Majesté Léopold III, le peuple de Paris a pu témoigner de l'amitié qu'il porte à la Belgique. Il a fait l'accueil le plus chaleureux aux musiciens du 1er régiment des grenadiers belges. Ceux-ci ont donné des concerts publics aux Tuileries, à Luna Park. Partout, est-il besoin de le dire, la population de Paris les a acclamés, partout ils ont entendu des vivas enthousiastes. On les a remerciés aussi d'avoir peint aux couleurs françaises les caisses de leurs tambours.
Il est 21 heures mardi soir, les musiciens viennent de débarquer à l’Étoile, nous allons les entendre alors qu'en jouant ils descendent l'avenue de la Grande Armée sous la conduite de leur chef, le capitaine Deceuninck.
Ils ont passé mais nous les avons rattrapés et nous les retrouvons au moment où ils arrivent à Luna Park où une foule immense les attend et déjà les applaudit et acclame la Belgique.
Mercredi. Il fait un temps splendide. Durant toute la matinée, on s'est fort affairé à pavoiser dans la ville. Sa Majesté le roi Léopold III trouvera Paris sous son aspect le plus gai et le plus accueillant. Il est 11h30, le train royal arrivera dans une heure mais déjà une cérémonie se déroule à l'Hôtel de Ville de Paris. Le conseil municipal ayant à sa tête son président, monsieur Le Provost de Launay, et le syndic, monsieur Bucaille, reçoit les délégués des anciens combattants belges. Toujours infatigable, la musique du 1er régiment de grenadiers est là, sur le parvis de l'Hôtel de Ville, elle joue les hymnes nationaux français et belge tandis que les délégations et les drapeaux pénètrent dans l'édifice.

2.
Midi vient de sonner. C'est l'heure où ce très vivant quartier de la gare du Nord connaît chaque jour la plus grande animation mais les très nombreux Parisiens qui d'ordinaire se hâtent vers leur déjeuner sont aujourd'hui sagement massés derrière les agents et les gardes mobiles. La vie est suspendue, on n'entend plus aucun bruit. Nous pénétrons avec le micro dans la gare. Les curieux ont réussi à s'installer un peu partout. Midi vingt, nous sommes sur le quai au bord duquel viendra se ranger le train royal. Des ouvriers ont posé en grande hâte le superbe et traditionnel tapis rouge. La compagnie d'honneur de la Garde Républicaine est alignée dans son costume de grand apparat tout le long du quai. Voici les personnalités qui viennent à la rencontre du souverain : Monsieur Georges Bonnet, ministre des Affaires étrangères, est à leur tête. Midi vingt-huit. Si l'exactitude est la politesse des rois, que dire de celle de Léopold III car, vous l'entendez, voici son train qui entre en gare avec deux minutes d'avance. Tandis que les gardes républicains présentent les armes, la clique des trompettes joue une marche de cavalerie.
Sa Majesté Léopold III passe rapidement la main à la visière de sa casquette. Il est en grand uniforme de lieutenant-général de l'armée belge. Le grand cordon de la Légion d'honneur française barre sa poitrine. Avec lui voici le comte de Flandre, le comte Louis Cornet de Ways-Ruart, grand maréchal de la Cour, le lieutenant-général Tilkens, chef de la mission militaire. Très rapidement les présentations ont été faites. Le cortège royal gagne la cour de la gare et une longue file d'autos se met en route. Sous les acclamations chaleureuses et incessantes du peuple parisien, elle descend la rue La Fayette, se dirige vers l’Élysée où un déjeuner est offert par monsieur Albert Lebrun, président de la République.
14h45. Dans un quart d'heure, l'admirable statue équestre du Roi Chevalier qui se dresse actuellement à l'entrée du Cours Albert 1er, à l'entrée de la place de la Concorde, cette statue qui actuellement est voilée par les drapeaux français et belge aux plis emmêlés, cette statue apparaîtra dans toute sa splendeur sous le soleil triomphant de cet après-midi splendide d'automne. La foule commence à accourir, la foule de Paris vibrante et magnifique encadrée d'ailleurs par de forts détachements de police, par l'armée, par les soldats français et les soldats belges dont les uniformes kakis semblables se mêlent en un grand étincellement là-bas tout au long de l'avenue des Champs-Élysées tout autour de la place de la Concorde jusqu'au point de rassemblement autour de la statue.
Cependant que les personnalités commencent à arriver et à prendre place dans les grandes tribunes aménagées et au-dessus desquelles flottent dans le léger vent les drapeaux français et belges, nous apercevons le général Weygand qui arrive pour prendre sa place d'honneur et nous approchons le micro, espérant qu'il voudra bien en ce jour solennel nous faire une brève déclaration. Voici le général Weygand.


3.
- Dans cette journée qui est la sienne plane au-dessus de nous la grande âme du Roi Chevalier. L'Histoire lui a donné ce nom, la légende le gardera à travers les siècles. Il n'en est pas de plus beau, il n'en fut jamais de plus justement attribué. L'amour de la vérité, le respect du droit, la bonté envers les faibles, le culte de l'honneur, la vaillance sont les qualités du chevalier ; telles furent les règles des actions d'Albert 1er de Belgique.
- La cérémonie officielle ne commencera que dans quelques instants lorsque le président de la République et le roi des Belges auront pris place dans l'estrade. Mais voici que monsieur Georges Heuse, président de la fédération nationale des combattants belges, section de Paris, accepte à son tour et au nom des Belges cette fois, de dire quelques mots à notre micro avant que ne commence la cérémonie.
- Les anciens combattants belges de France, profondément émus par le souvenir pieux que le peuple de ce noble pays ami conserve de notre grand Roi Chevalier adresse à la France entière l'expression de leur vibrante gratitude. Ils forment le vœu, de toute leur âme, que l'amitié qui nous unissait avec une force tragique aux heures de la guerre de 1914 reste envers et contre tout un sentiment impérissable au fond du cœur de nos deux nations.
- Et voici que vient, minute émouvante, des Champs-Élysées lointains, et vient en s'amplifiant et en grondant comme la marée, un immense cri que vous devez percevoir au-delà de mes paroles, mes chers auditeurs. C'est la foule, c'est le peuple de Paris qui acclame Sa Majesté le Roi Léopold III qui, en ce moment, arrivant de l’Élysée dans la grande voiture noire dans laquelle il a pris place, ayant à sa droite la reine-mère Élisabeth, voici le roi Léopold qui arrive maintenant devant la tribune où l'attend debout, grave, monsieur Albert Lebrun, ayant à sa droite madame Albert Lebrun.

4.
Édition spéciale ! Un grandiose monument du roi Albert 1er de Belgique a été inauguré place de la Concorde au cœur de Paris. Sa Majesté le roi Léopold III de Belgique a tenu à assister personnellement aux côtés de monsieur Albert Lebrun, président de la République Française à la cérémonie par laquelle la France a rendu un hommage solennel au Roi Chevalier et ce fut le symbole renouvelé de l'amitié indéfectible qui unira toujours la France et la Belgique.

5.
Après le général Brécard, c'est au tour de monsieur Le Provost de Launay, président du conseil municipal de Paris de prendre la parole.
- Sire, Paris qui a convié Votre Majesté à l'inauguration du monument dédié à son illustre père la remercie d'avoir bien voulu dans un geste filial qui touchera profondément tous les hommes de cœur répondre à notre invitation. Au nom des élus et de la population, je lui exprime notre infinie reconnaissance. Madame, je remercie Votre Majesté d'avoir bien voulu donner à notre cité un nouveau témoignage de sympathie en se rendant à cette solennité destinée à glorifier le souverain aimé dont Votre Majesté a partagé le destin dans les douceurs de la vie familiale comme dans les périls des mauvais jours. Interprète de la Capitale, je prie Votre Majesté d'agréer l'hommage très respectueux de notre gratitude. Aux côtés de Sa Majesté le Roi Léopold III et de Sa Majesté la Reine Élisabeth, notre solennité donne tout son sens à cette émouvant manifestation des amitiés franco-belges et devant messieurs les membres du corps diplomatique je reçois le beau monument dû aux talents du sculpteur Martial et des architectes messieurs Baudruche et Camelot qui fait revivre les traits du roi Albert 1er. Je remercie le comité qui s'est constitué pour qu'un hommage fût rendu dans notre Capitale au héros qui, personnifiant le droit, la loyauté et l'honneur, incarna l'âme éternelle de la Belgique.

6.
Après monsieur Le Provost de Launay, président du conseil municipal de Paris, monsieur Albert Lebrun, président de la République française, monte à la tribune.
- Sire, Madame, Altesses Royales, Excellences, mesdames et messieurs, la France reste irréductiblement fidèle au souvenir de Sa Majesté Albert 1er, roi des Belges. Déjà sur notre sol se dressent de nombreux monuments élevés à sa gloire, les statues de Saint-Germain, de Vichy et de Sainte-Adresse, les bustes de Metz, de Givet, de Nice et d'Antibes, les médaillons de Nancy, de Menton, de Grasse et de Blosseville-Bonsecours disent la ferveur dont les Français du Nord au Midi, de l'Est à l'Ouest, entourent la mémoire du grand souverain. Paris se devait d'affirmer le même sentiment. En érigeant cette statue ici-même, sur les rives de la Seine, en ce décor d'harmonie et de beauté où l'on sent battre le cœur de la patrie, à deux pas de cette voie triomphale qui au lendemain de la victoire a vu le défilé des armées alliées, la France a voulu rendre un éclatant hommage à un souverain ami dont la vie fut un modèle de droiture, de sagesse et d'honneur. Elle a tenu à garder comme un diamant dans son plus bel écrin l'effigie de celui qu'elle aima pour la loyauté et la noblesse de son caractère.

7.
Le marbre et le bronze dont est fait ce monument parlent-ils moins à vos yeux que ces briques anglaises des Flandres jadis imprégnées du sang de vos soldats qui ont servi à l'édification du mémorial inauguré il y a quelques semaines sur les rives de l'Yser ? Du moins rappelleront-ils à ceux qui au long des années et des siècles passeront sous les arbres de cette avenue les hautes et éminentes vertus de Sa Majesté Albert 1er, roi des Belges. Qu'il vous plaise, Sire, de trouver dans la ferveur dont Paris et la France entourent la mémoire de votre illustre et regretté père une affirmation nouvelle de leur amitié fidèle pour votre pays et l'expression de leurs vœux pour le bonheur de votre règne.
- Les paroles... C'est une ovation indescriptible où se discernent mêlés les cris de Vive la Belgique ! et Vive la France ! Vive le roi ! C'est au milieu de cette ovation que le jeune roi Léopold III, le visage grave, dans son uniforme d'officier, monte à son tour à la petite tribune face au micro, face à l'admirable statue de son père figé dans le bronze, semble à l'instant plus attentif, peut-être est-ce un mirage, semble écouter son fils qui va s'adresser à la foule, à Paris, à la Belgique, au monde et peut-être, qui sait ? jusqu'à lui.
- Monsieur le Président, mesdames, messieurs, une tourmente affreuse a failli passer sur le monde. Nous sortons à peine d'heure angoissantes et, au moment où une volonté de paix et une grande espérance de concorde s'élèvent et éclairent l'atmosphère, se dresse le monument consacré à la mémoire de celui qui fut l'ardent apôtre de l'entente entre les peuples, de celui qui eût entrevu avec douleur après vingt ans d'une paix parfois en danger surgir l'éventualité d'une guerre nouvelle arrachant à la vie tant de jeunes existences et créant tant de ruines matérielles et morales.

8.
Je suis heureux de ce que vous ayez rappelé l'admiration qu'éprouvait mon père à l'égard de l'élite intellectuelle française, l'attirance qu'exerçait sur lui le génie créateur et si varié qui, à travers les siècles n'a cessé d'illustrer la France en accroissant par cet apport glorieux le patrimoine même de l'humanité. Faut-il ajouter à quel point il se plaisait à apprécier la raison et le sens de la mesure, la bravoure et le caractère chevaleresque de vos compatriotes, ces dons qui sont l'apanage du Français
quelle que soit sa condition sociale et qui ajoutent leur force aux vertus d'un grand peuple et le mettent à l'avant-garde de l'Histoire ? La lumière de la France éclaire le monde. Élevé dans ces sentiments au foyer de mon père, je les partage. Ils sont nés en moi au cours des épreuves qui accablèrent nos deux peuples. Leur trace en est ineffaçable. Ils se sont accrus aux heures
douloureuses de la part prise par la France aux deuils qui ont frappé la Belgique. Les témoignages de cette solidarité dans la peine s'étant révélés à nous sous les formes les plus touchantes. Ce sont là des liens dont ni le temps ni les hommes ne pourront jamais affaiblir la solidité.

9.
Pour accomplir sa véritable mission dans toute sa grandeur et sa fécondité, le peuple belge doit affirmer et garder une indépendance complète et respectée qui soit le signe de son impartialité
et le gage de la confiance qu'il entend inspirer. Une politique d'indépendance n'est pas une politique d'effacement et d'isolement. Elle ne désavoue ni le souvenir glorieux d'un passé récent ni celui
d'épreuves courageusement supportées en commun. Elle implique, et c'est la volonté de la Belgique, le respect des engagements pris dans la limite de ses forces, la fidélité à la parole donnée, la loyauté
et la franchise vis-à-vis de tous comme elle s'identifie à l'idéal de paix qui répond aux aspirations profondes de tous ses habitants.
- Ces paroles du roi Léopold III, vous l'avez entendu, mes chers auditeurs, ont fait vibrer profondément la foule. Paris a acclamé le roi Léopold III. Il l'avait acclamé tout à l'heure à son arrivée, follement, il l'a acclamé dès les premières paroles de son discours et maintenant il me semble, au moment où j'aperçois le roi en train de regarder les premiers bataillons défiler, ces régiments qui défilent, il me semble regarder le roi découvrir dans la foule qui le contemple comme une sympathie nouvelle, comme une sympathie accrue et qui a maintenant une raison de plus d'être.
C'est maintenant le défilé traditionnel d'unités de notre armée, infanterie, cavalerie, armée de l'air, armée motorisée.

10.
Le défilé est achevé. Après une dernière poignée de mains, j'aperçois le roi Léopold III prendre congé de monsieur le président de la République. La cérémonie est terminée, la foule va lentement s'en aller non sans avoir acclamé une dernière fois tout au long de son parcours jusqu'à l'Arc de Triomphe le jeune roi qui a su aujourd'hui conquérir notre Capitale. À travers Paris illuminé et couvert des drapeaux français et surtout des drapeaux belges, le roi Léopold III tout à l'heure reprendra le train qui le remmènera à Bruxelles. Il n'aura passé chez nous que quelques heures trop brèves et cependant déjà il a conquis le cœur de Paris. Et maintenant sur toutes les lèvres des Parisiens il n'y a plus qu'une question : Quand le voyage officiel que le roi des Belges nous a promis aura-t-il lieu ? Et l'on répond : Avant la fin de l'année, ce qui amène immédiatement un grand sourire de contentement sur tous les visages des Parisiens. Et maintenant, mes chers auditeurs, cependant que s'achève dans une journée de joie et je dirais même de liesse cette journée de l'amitié franco-belge, je veux aller dans l'appartement très calme qu'occupe près du Palais-Royal notre grand écrivain, madame Colette. Madame Colette, vous le savez, est membre de l'Académie royale de Belgique. Pouvait-il y avoir femme ou même personnalité plus qualifiée pour nous dire, à l'issue de cette belle journée, quel avait été son sentiment, son sentiment de Française, de Parisienne, de femme à la magnifique sensibilité, en face de la venue à Paris de la reine Élisabeth ? Veuillez écouter madame Colette.

11.
Le salut, l'acclamation de Paris, de la France, le roi Léopold, la reine Élisabeth, la princesse de Piémont, le comte de Flandre, l'ont reçu unanimes et l'affirmation que le souvenir d'Albert 1er, le Roi Chevalier, ne s'éteindra jamais dans les cœurs français. Pour moi, je ne puis oublier que la Belgique, en m'offrant la succession de Madame de Noailles à son Académie m'a comblée d'honneur. Ce n'est pas de ce jour-là que je me considère un peu comme une citoyenne de la Belgique. Une partie de ma famille, vers 1850, opta pour la nationalité belge. Aussi je me soucie aujourd'hui que Paris se fasse beau pour le roi qui vient chez nous saluer la statue de son père. Aujourd'hui est une fête de l'héroïsme, aujourd'hui est surtout une fête de l'amitié.


12.
Édition spéciale. Un grandiose monument du roi Albert 1er de Belgique a été inauguré place de la Concorde au cœur de Paris. Sa Majesté le Roi Léopold III de Belgique a tenu à assister personnellement aux côtés de monsieur Albert Lebrun, président de la République Française à la cérémonie par laquelle la France a rendu un hommage solennel au Roi Chevalier et ce fut le symbole renouvelé de l’amitié indéfectible qui unira toujours la France et la Belgique.


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