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Titre :Discours d'Édouard Daladier au 35e congrès radical et radical-socialiste du 27 octobre 1938 (15)
Interprète(s) :Édouard Daladier
Genre :Discours politique
Fichier audio :
Support d'enregistrement :Disque
Format :30 cm aiguille (enregistrement électrique)
Lieu d'enregistrement :Marseille, France
Marque de fabrique, label :Pyral zinc
Date de l'enregistrement :1938-10-27
Instruments :Déclamation, diction, monologue
État :Exc++
Vitesse (tours/minute) :78
Matériel employé au transfert :Stanton 150, SME-Clément, pointe 2,2E sur Shure M44, Elberg MD12 : courbe US30, Cedar X declick, decrackle
Date du transfert :17-05-2019
Commentaires :Texte du contenu ci-joint. On trouve le texte du discours dans le journal La République, organe du parti républicain-radical et radical-socialiste, du 28-10-1938, p.5.
Texte du contenu :Discours d'Édouard Daladier au 35e congrès radical et radical-socialiste du 27 octobre 1938

1.
Le discours du président du Conseil vient d'être avancé. Nous allons vous le donner sans l'intervention de monsieur Gautier-Chaumet.

Mais il faudra que vous me disiez non pas aujourd'hui mais la fin de ce congrès quand toutes les thèses se seront affrontées, quand toutes les idées se seront fait jour à la lumière de ce débat qui ne rassemble que des hommes libres, il faudra me dire si vous êtes d'accord oui ou non. Et si nous sommes d'accord, quelles que soient les difficultés, nous les surmonterons parce que notre pensée ne connaît que la République et la patrie. Citoyens, vous comprendrez sans que j'y insiste : Aujourd’hui, ce n'est pas seulement à vous que je parle. Ce n’est pas seulement à mon parti, bien que jamais je n'exprimerai trop ma reconnaissance à mon parti pour m'avoir soutenu à travers tant d'orages. Mais c'est à la France tout entière qu'il convient de parler. Et n'est-ce pas l'honneur et la grandeur du Parti radical que de n'avoir aucun effort à faire pour réaliser cette identité entre ses intérêts propres et les intérêts permanents de la nation elle-même. Je voudrais d'abord jeter un regard sur la situation internationale. Et quand je regarde aujourd'hui l'état de l'Europe et du monde, quelles que soient les critiques que certes toutes les œuvres humaines puissent rencontrer, je me dis qu'un fait domine tous les autres, c'est que la paix qui semblait perdue a été sauvée et qu'au moins c'est dans la paix que nous avons à résoudre tous ces problèmes de redressement économique et financier dont je vous parlerai tout à l'heure. Je n'ai pas besoin de vous rappeler qu'il me suffisait d'entendre ce matin les hommes et les femmes du peuple, vous m'entendez, du peuple ! que nous représentons autant que personne. [...]

2.
[...] Il me suffisait de les voir et de les entendre pour comprendre combien dans ces dernières semaines la paix du monde a été menacée. Je ne retracerai pas devant vous l’histoire de cette crise européenne qui nous a menés jusqu’au bord de la catastrophe et je n'ai pas davantage besoin de vous dire au prix de quels efforts et de quels surs sacrifices nous sommes arrivés à surmonter cette crise. Ce que je tiens à affirmer une fois de plus devant vous, avec toute la force dont je suis capable, c'est que pour l’Europe, pour la civilisation européenne toute entière, pour notre idéal de liberté, pour notre pays, pour la Tchécoslovaquie elle-même dont je parlerai avec clarté tout à l'heure, la situation qui résulte des accords de Munich est préférable à la situation qui existerait aujourd’hui si nous n’avions pas évité la guerre. Citoyens, j'ai expliqué devant le Parlement que je comprenais parfaitement pour l'avoir moi-même vécu de minute en minute et de seconde en seconde le drame intérieur qui s'est déroulé dans chaque conscience française au cours de cette crise. Mais aujourd’hui je ne puis pas admettre qu’on vienne parler de capitulation de la France. Je connais et je mesure toutes les conséquences de cet accord mais je sais que je ne me suis pas incliné sous la menace et que si à Munich comme je l’ai dit dès la première seconde aussi bien au chancelier Hitler qu’à monsieur Mussolini, si je m’étais trouvé en présence de je ne sais quel ultimatum, si je n'avais pas pu faire entendre la voix de la France sur un pied d'égalité totale, je ne serais pas resté une minute de plus à Munich et je serais rentré sans retard pour faire appel, avec des arguments décisifs, à la résistance de la nation.

3.
[...] La vérité, c’est que l'acte de Munich a été un compromis. La vérité, c'est que l'acte de Munich a été un accord de raison. Et je comprends mal - à moins que par hasard je ne comprenne trop bien - une certaine campagne qui se dessine contre un accord qui, au soir de sa signature, dans tous les pays d’Europe, a été plébiscité par les hommes et par les femmes qui auraient payé de leur sang ou de leurs larmes le recours à la force brutale. Lorsque j'essaie de ne dire que des choses raisonnables et humaines et que - excusez-moi de le dire - peu soucieux des acclamations comme je le suis peu des invectives, je ne pense qu'à l'intérêt permanent de notre pays, je m'indigne au fond de moi-même de voir certains hommes ne considérer ces événements que comme un sujet de misérable polémique. N'ai-je pas le droit de dire après tout qu'au moment où les périls s'amoncelaient et où l'échéance redoutable ne semblait plus être qu'une question d'heures ou de minutes certains qui avaient été avant et qui sont redevenus depuis les tenants d'une fermeté intransigeante allant jusqu'à la guerre n'ont plus fait preuve que d'une résolution chancelante pour ne pas dire davantage. Je ne permettrai la critique qu'à ceux qui pourraient me rappeler que dans ces heures tragiques ils sont venus me dire face à face d'aller jusqu'à la guerre plutôt que d’accepter un compromis. Je ne permettrai la critique qu'à ceux qui n'auraient pas eu un sentiment d'apaisement à l'annonce de mon départ pour Munich. Qu’est-ce que c’est que cette hypocrisie qui consiste à prendre des attitudes et à donner des leçons lorsque le péril est passé et à se taire et à trembler à la seconde où il faut être résolu à aller jusqu’au bout ? [...]

4.
[...] Certes, pourquoi le cacher, un parti politique peut me dire qu’il a toujours été partisan de l’intransigeance dût-elle conduire à la guerre et qu'il a désapprouvé la négociations : c’est le parti communiste qui, d’ailleurs... [huées - Mais non, citoyens, mais non, mais non] c'est la parti communiste qui d'ailleurs, avec franchise, a manifesté son opposition totale par son vote au Parlement et par ses insultes quotidiennes dans le pays. Parlant au parti radical et ne me souciant que du parti radical à l’heure où je parle, je veux dire que je regrette qu’après toutes ces injures on puisse lire hier ou ce matin à l'usage des militants radicaux un de ces manifestes bénins et doucereux dont il est facile de comprendre que le but c'est de séparer le Parti radical du président qu’il a librement choisi. À cela vous répondrez vous-mêmes. Mais je veux répondre aujourd’hui que la violence et l'intransigeance de ce parti n’ont pas été sans nuire à l’action du gouvernement français. Lorsque ces journaux et ces orateurs attaquaient grossièrement monsieur Neville Chamberlain qui a travaillé avec une foi admirable au salut de la paix de l’Europe, est-ce que cela n'a pas affaibli, croyez-vous, la position de la France ? Lorsqu'ils adressaient tous les jours des sommations au gouvernement français, est-ce qu'ils facilitaient l'action du gouvernement français ? Lorsqu'ils ont lancé l'anathème contre des gouvernements en face desquels nous nous trouvions dans une situation périlleuse, est-ce qu'ils n'ont pas risqué de l'entraver et de précipiter la guerre ? [...]

5.
[...] Lorsqu'ils viennent prétendre aujourd'hui que la mobilisation partielle à laquelle nous avons procédé n'a tendu qu'à camoufler notre abdication, ils commettent volontairement le plus abominable des mensonges parce que s'il venait à être accepté comme vrai par notre peuple abusé, il pourrait avoir pour conséquence tragique de rendre, le cas échéant, impossible le recours à cette mesure que l'on peut railler mais dont je répète qu'elle a fortement contribué à sauver la paix pour la France et pour l'Europe. Chacun pensera ce qu'il voudra mais moi je ne suis pas dupe et je ne veux pas être dupe. Si tous les Français ont avec courage répondu à l'appel de la patrie, s'ils méritent la reconnaissance de la nation, je tiens à dire que sur un autre plan, l'attitude politique des chefs du parti communiste a abouti non pas à un soutien mais à un sabotage de la politique gouvernementale. Et j'ajouterai, citoyens, avec la même décision, que je n'ai été aidé davantage par ceux qui ont sciemment cherché à porter atteinte au cours de ces semaines critiques au moral de la nation et qui d'ailleurs se sont brisés contre le roc de la dignité française. Lorsqu'on veut que le gouvernement sauve la paix et l’honneur, on ne vient pas publiquement lui contester ses possibilités d’action, on ne vient pas affirmer contre la vérité que la France est incapable de résistance, on ne vient pas mettre en cause les chefs eux-mêmes de la défense nationale. Citoyens, nous avons maintenu la paix et la dignité de la France et nous sommes résolus à persévérer. [...]

6.
[Notre politique correspondra aux éléments fondamentaux de la sécurité française] et se modèlera sur les éléments d'une situation nouvelle. L’intérêt fondamental de la France, je vous l'ai dit, c'est le maintien intégral de sa propre sécurité d'abord. Mais la sécurité française, elle ne réside pas uniquement dans l’intégrité de frontières continentales, elle est au contraire conditionnée, si je puis dire, par la liberté des communications de la métropole et de son empire et de l'une et de l'autre avec les grandes démocraties d'au-delà de l'Atlantique. De cette ville de Marseille, qui n’est pas, comme on le dit trop souvent, à l’extrémité de la France, mais qui est placée au cœur même de la France et de son empire, de cette ville qui est le point de contact vivant entre la métropole et les France d'au-delà des mers, je tiens à affirmer à mon tour qu'en effet la France c'est un empire. Au-delà de ses frontières continentales, toute une vaste zone de sécurité lui est aussi précieuse que la métropole elle-même. Citoyens, si les communications entre Paris et Dakar, si les communications entre Paris, Marseille, Tunis, le lac Tchad et toute l'Afrique que nous ont donnée les explorateurs et les colonisateurs français étaient interrompues, je ne donnerais pas cher de l’inviolabilité des frontières de la Lorraine ou de l'Alsace. Nous devons garder intactes et pures des liaisons. De même et quelles que soient les difficultés, nous devons garder la cohésion de la France elle-même avec toutes les France d’Outre-mer dont la possession ne réside point sur l’abus de la force, mais sur les services rendus et, je crois pouvoir le dire, sur l’adhésion des races de couleur elles-mêmes. Mais, citoyens, lorsque je dis cela, je ne veux pas dire que cette pensée sera la base exclusive de la politique de la France. C'est le destin de la France d'être présente partout. C'est son destin de joindre partout ses efforts, d'en prendre parfois l'initiative lorsqu'il s'agit de reconstruire la paix et la justice. Comme je l'ai dit déjà, elle cherchera à ajouter à ses amitiés anciennes des amitiés nouvelles ou des amitiés renouvelées. Elle apportera une volonté totale à l'examen de tous les problèmes.

7.
Elle pense que dans la mesure où il ne s'agit pas d'établir des hégémonies nationales mais seulement de faire respecter des intérêts nationaux, des règlements pacifiques peuvent intervenir. Qu'il s'agisse de nos relations avec l'Allemagne ou avec l'Italie, la France est convaincue que des accords peuvent intervenir qui apporteront au renforcement de la paix la contribution la plus utile. Et j'ajoute : Il en est de même des relations amicales que nous avons, et que nous ne songeons pas à détruire à moins que d'autres n'en prennent l'initiative, avec les peuples et les nations de l’Europe Orientale. Ainsi donc, vous le voyez, la base de la diplomatie française, c’est l'accord de la coopération étroite de la France et de l’Angleterre, coopération librement décidée fondée sur la communauté d’idéal et la communauté des intérêts, coopération dans le respect mutuel et dans l'égalité. Mais elle n'est exclusive d’aucune autre. Nous sommes ouverts à toutes les ententes. Et laissez-moi vous dire que lorsque j’ai entendu battre à Munich le cœur du peuple allemand, je n’ai pu m’empêcher de penser comme je l’avais pensé à Verdun en pleine guerre ...?... qu'entre le peuple de France et le peuple d'Allemagne, en. dépit de toutes les difficultés, il y a de puissantes raisons d’estime mutuelle qui devraient les conduire à une collaboration loyale. Cette collaboration, je l’ai souhaitée pendant les quatre années de la guerre mondiale et il me semble que l’heure est venue de proclamer de l’autre côté de nos frontières comme ici que, quelles que soient les différences de leurs régimes politiques, les deux nations qui si souvent furent aux prises avec un courage égal et le même esprit de sacrifice sur les champs de bataille doivent comprendre que dans l’époque moderne, alors que la science met à la disposition des hommes tant de biens et tant de ressources, la guerre n’est plus une solution, la guerre ne sera jamais plus une solution [...]

8.
[...] et que c'est au contraire par l'accord loyal qu'il est possible de régler tous les problèmes. Telle est la méthode qui doit conduire la France pour lui permettre de conserver la paix. À cette paix nous avons consenti des sacrifices. Mais nous ne voulons pas qu’on la défigure et qu’on la représente comme la première étape de la route qui conduit à l’abdication car cette paix, elle a mis un terme à une crise de vingt années. Et j'ai le droit de dire que pendant ces vingt années je n'ai jamais cessé avec mes amis de demander qu'un prompt remède soit apporté au déséquilibre de l'Europe. Mais pendant vingt années la France n'a jamais jamais rien fait et on me permettra de le dire, si j'excepte la période de 1932 où j'ai proposé des formules équitables de désarmement, en dehors de cela, sans vouloir certes médire de personne, la France, pendant vingt années, s’est bornée à dire d’abord non, quitte à tout accepter plus tard devant les faits accomplis. Cela doit cesser ! Je me suis efforcé de définir aujourd'hui les éléments essentiels avec rapidité d'une politique extérieure. Elle sera précisée dans les jours qui vont suivre. Mais croyez-moi, l'heure est venue de choisir dans la politique extérieure comme dans la politique intérieure d'ailleurs de notre patrie. Ou bien vous serez un pays résigné, ou bien vous serez un pays qui se drapera dans des souvenirs historiques, [...]

9.
[...] quitte à s'apercevoir cruellement qu'il n'y a plus de rapport entre la lointaine histoire et la vie contemporaine ou bien vous vous déciderez à parler hardiment et à dire : Voilà ce que je veux, voilà ce que je ne voudrai jamais ! Voilà ce qui serait un langage digne et une politique digne de la France. Mais pour que vous puissiez dire cela, il faut que vous soyez forts car le monde est entré sous le signe de la force. Je crois que la raison reprendra la victoire, je crois que de nouveau contre les boucliers et contre les chars, la pensée de Pallas athénienne reprendra un jour sa force et son éclat. Mais aujourd'hui vous êtes entrés, que vous le vouliez ou non, sous le signe de la force et si vous vous présentez aux autres peuples avec vos musées, avec vos artistes, avec vos écrivains, avec ce qui reste dans le génie français d'humanisme, vous serez certes aimés, vous serez certes appréciés mais c'est avec un rire cruel que l'on cous dira : C'était dans un autre siècle. Prendre mesure du réel, prendre mesure des possibilités françaises, ne point se laisser griser par je ne sais quelle vaine rhétorique, prendre la mesure de ses possibilités, prendre aussi la mesure de son devoir, voilà l'heure où nous sommes. Et si la France ne veut point s'y résoudre, alors il vaut mieux abdiquer pour elle, il vaut mieux devenir une nation de troisième ordre, il vaut lieux renoncer à toute pensée qui embrasse l'horizon humain. Mais cela vous ne le voudrez pas, cela vous ne le voudrez jamais, vous êtes des Français, vous resterez des Français avec tous les devoirs que cela comporte et l'heure est venue où il faut que la France dise si elle veut accomplir ses devoirs si durs et si pénibles qu'ils soient. [...]

10.
[...] Citoyens, je lisais tout à l'heure le télégramme qui nous transmettait le message du président Roosevelt au monde entier. Avec quelle émotion je le lisais lorsque je songe que pendant ces journées difficiles nous fûmes en contact presque quotidien avec la grande démocratie américaine. Mais je ne veux pas insister. Mais je fais mienne sa déclaration. Mais j'adhère de tout cœur aux principes qu'il a définis une fois de plus avec son éloquence émouvante. Mais, citoyennes et citoyens, lorsqu'on dit qu'on veut maintenir la démocratie, lorsqu'on dit qu'il faut que les peuples vivent de manière que jamais le monde ne soit menacé par un autre peuple du désastre de la guerre, lorsqu'on dit qu'un tel désastre entraîne des vagues d'émotions fatales à la civilisation, lorsqu'on dit qu'il n'y a pas de recours en dehors des méthodes de la liberté, ah ! je suis d'accord, certes, comme vous tous. Mais je me permettrai de dire que cela ne suffit pas et que la liberté, elle implique pour les hommes qui se réclament d'elle peut-être plus de devoirs impérieux que des citoyens qui sont penchés sous les méthodes de l'autorité. Et je voudrais maintenant montrer pourquoi en effet il est nécessaire que la France accomplisse un effort vigoureux. Car à peine avons-nous quitté les menaces de la guerre européenne que nous sommes assaillis par les difficultés redoutables de la situation financière et plus encore par les difficultés redoutables de l'économie nationale elle-même. Savez-vous quel serait le montant des dépenses du budget ordinaire de l'année prochaine si nous ne faisions rien ? 64 milliards.

11.
[...] Savez-vous quel serait le montant du budget extraordinaire ? 30 milliards. Ajoutez à ces chiffres les dépenses de la Caisse autonome et vous obtenez un total de 102 milliards de charges financières pour l'année prochaine. 102 milliards pour 1939, quelles recettes mettons-nous en face ? Elles s’élèvent à 66 milliards. Voilà le drame résumé en deux chiffres : d’un côté c'est 102 milliards de dépenses, de l’autre c'est 66 milliards de recettes. Est-ce que vous croyez que l’année prochaine nous pourrons obtenir par l'emprunt des citoyens français encore 50, 52 ou 52 milliards de francs ? Moi, je ne le crois pas. Mais il y a un troisième chiffre qui est beaucoup plus grave, celui-là et dont on ne parle presque jamais. 102 milliards de dépenses pour la France ! Quel est le revenu national de la France ? 220 milliards. Donc près de la moitié du .revenu national de la France serait destiné à combler les dépenses publiques de la France. Comment cela est-il possible ? Croyez-vous qu'une telle situation puisse durer ? Je ne sais pas si les Français ont bien compris la gravité de la situation où ils se trouvent. Ils vivent un peu, excusez-moi, avec cette pensée que les choses s'arrangeront toujours. Cependant leur histoire est là pour leur enseigner que les choses s’arrangent quelquefois très mal, par des faillites, par des banqueroutes et aussi par des guerres que les unes et les autres sollicitent. Pour moi, quel que soit l’avis des grands experts, des grands techniciens et j'allais dire des grands académiciens des finances, je me refuse à laisser la France s'engager plus longtemps dans cette voie parce qu'une fois de plus, comme au temps de la Révolution française qui n'a pas été vaincue par les armées de l'Europe coalisée [...]

12.
[...] qui n'a pas été vaincue par les intrigues anglaises ......, qui n'a pas été vaincue non plus par les Chouans ni par la Vendée mais qui a été vaincue par les assignats, la France républicaine sera vaincue une fois de plus par la fausse monnaie et par les assignats. Alors, citoyens, quelque pénible que cela puisse être, il faut se décider à rétablir l'ordre dans les finances, à réduire les charges de la trésorerie au moins de moitié et à accomplir résolument, malgré les querelles d'écoles, un effort vigoureux vers le budget. ...... Mais je pense aussi que toutes ces mesures que nous sommes décidés à prendre quoi qu'il arrive ne peuvent donner leur fruit que dans la mesure où sera assuré ...?.. aujourd'hui ne peut ... en ce qui nous concerne...... réfléchir. Nous pensons que la nécessité la plus impérieuse, c'est d'accroître le revenu national, c'est de stimuler l'économie, c'est d'accroître la production française, .......

13.
[...] ... Il a pourtant suffit que je lance, au cours de cet été ... un appel au travail pour que se déchaînent des attaques et des injures d’une violence inouïe. On aurait donc voulu que je me taise, on aurait donc voulu que je demeure inerte et que je laisse la France perdre chaque jour ses forces jusqu’à la décadence ... Je suis arrivé au pouvoir non pas pour.... mais pour... J’ai constaté .... que la crise qui ravage notre pays a pour ... essentiel l’affaiblissement de la production française. En Allemagne, de 1929 à 1937, la production nationale a augmenté de 17 pourcents, en Angleterre de 24 pourcents, dans les pays Scandinaves de 30 à 50 pourcents. En France, sur la même période, elle a diminué de 25 pourcents ... et je ne fais que mon devoir de Français en disant que cette situation ne pouvait pas durer. .... Une France qui se ruine, c’est une France en proie aux ... intérieures [...]

14.
Est-ce trahir la classe ouvrière que de vouloir maintenir la liberté républicaine ? Une France qui se ruine, c'est la France attaquée. Est-ce trahir la classe ouvrière que de vouloir préserver la paix ? Une France qui se ruine, c'est la France vaincue. Est-ce trahir la classe ouvrière que de s'opposer à sa servitude ? Dire que la France doit se redresser comme je l'ai dit à cette époque, comme je vous le redis aujourd'hui, il paraît que c'est être l'agent du capitalisme national et international, être traître à la classe ouvrière, parler un langage fasciste. Là encore je dis que les chefs du Parti communiste risquent par leur violence de conduire le pays vers des destins dramatiques. Qu'est-ce que c'est que cette légende absurde qui voudrait faire croire que l'appel au travail relève de l'idéologie fasciste ? S'il en était ainsi, quel triomphe, citoyens, au-delà de nos frontières ! À quoi répond cette croisade qu'on entreprend contre le gouvernement mais qui se retourne contre la France ? Dans les villes comme dans les villages, aux portes des usines, dans les docks, sur les ports, dans les usines même on invite les travailleurs à résister aux initiatives gouvernementales. Nous disons que de même que nous l'avons empêchée..?.. nous l'empêcherons toujours et nous ajoutons qu'il n'est pas de devoir national plus impérieux que de produire plus et mieux. On entend dire ou on lit : La France doit être forte, il faut qu'elle puisse imposer sa volonté par les armes, il faut construire une flotte de cinq mille avions. Et ce sont les mêmes qui clament : Ne travaillez pas plus de 40 heures ! Refusez de fabriquer des avions plus de 40 heures par semaine et considérez comme des traîtres à la classe ouvrière et à la France, comme des serviteurs, des esclaves de monsieur Hitler ou de monsieur Mussolini ceux qui vous disent que rien ne se fait en dehors du travail et par le travail. Ah ! citoyens, lorsque je demande un effort vigoureux, je le demande à tous les Français comme je vous le disais tout à l'heure. La France, ouvriers et patrons, chefs d'entreprise et ouvriers manuels, elle s'est un peu trop peut-être installée dans le loisir.

15.
[...] Pour moi, je ne tolérerai jamais une politique qui serait animée d'un esprit rétrograde et qui aurait pour but de réduire le bien-être ou la liberté du travailleur. Et je sais très bien que nous devons obtenir et même exiger par les mêmes méthodes qu'en de nombreuses entreprises françaises l'outillage te les méthodes de travail soient rénovés. Et le souci de l'intérêt général, nous l'imposerons à tous, quelle que soit leur classe. Mais, citoyens, les congés payés, le droit de grève équilibré par le droit au travail, l'application des procédures d'arbitrage et de sur-arbitrage, la lutte contre le chômage par le reclassement professionnel et la résorption des chômeurs utilisables, voilà des mesures sur lesquelles je suis d'accord et qui répondent vraiment à la volonté d'améliorer le sort de la classe ouvrière, voilà des mesures qui aident vraiment l'accroissement de la dignité humaine. Je suis moi-même un fils d'artisan, le fils d'un ouvrier devenu artisan et j’ai le droit de parler de ces problèmes, non pas comme une théoricien ou comme un agitateur, mais comme un homme qui les a vécus à la table de famille à côté de ses frères et sœurs pendant des années. Je comprend très bien que les ouvriers aient ressenti une joie immense le jour où ils ont eu cette émotion de découvrir la montagne ou la mer de nos pays. Il était monstrueux que les travailleurs de nos grandes villes ne puissent pas jouir de ce repos qui permet à l’homme de se recréer au sens étymologique c'est-à-dire de reprendre une ardeur nouvelle. Il est normal que, chaque semaine, ces travailleurs puissent avoir aussi une détente. En organisant tous ces droits, nous n'avons fait, républicains unis, que reconnaître la dignité que chaque homme doit porter en lui et porte en effet en lui. [...]

16.
[...] Mais demander quelques heures de travail supplémentaire à ces mêmes ouvriers, en augmentant du même coup leur salaire, quand ce travail peut permettre notamment de surmonter les périls qui menacent la patrie, est-ce porter atteinte à la dignité ouvrière ou à la dignité humaine ? Pour moi je me refuse à le croire et je suis sûr que ce n’est pas un sentiment naturel chez les ouvriers de France. Aucun de ceux que j’ai connus, aucun de ceux que je connais n’aurait pu penser comme cela. Je demande à tous les travailleurs de réfléchir à ce que je viens de dire. Croient-ils vraiment que cette bataille où certains veulent les entraîner répond à leurs intérêts véritables ? Que peut-elle apporter à leurs foyers, à leurs femmes, à leurs enfants, à leur patrie ? En luttant pour les congés payés et pour l'arbitrage, les ouvriers luttaient pour leur dignité, pour leur droit à une vie d'hommes libres et fiers. Ils ont eu pour arriver à ce résultat le soutien de tous les républicains et de tous les démocrates du pays. Mais en refusant au pays le travail nécessaire à son salut, ils ne pourraient amener que le désordre et 1a faillite et que dresser contre eux toutes les forces de la nation. Nous n’avons nullement l’intention d’abroger la loi de 40 heures, bien qu’elle ne soit réellement appliquée par aucune des grandes nations du monde mais il est indispensable que, partout où les besoins réels de l’industrie et du commerce l’exigent, elle soit aménagée sans vaines formalités et sans inutiles discours suivant les circonstances, et suivant les exigences de la vie économique. J’espère que cette œuvre dont personne ne conteste, je crois, sérieusement la nécessité sera réalisée à bref délai car la France ne peut pas attendre longtemps, qu'elle sera réalisée dans un climat de confiance mutuelle entre ouvriers et patrons, dans un climat de paix sociale. Je voudrais que fût enfin compris de tous ce sentiment qu'il n'y a pas encore trop de mois à attendre et que la France se sauvera par les méthodes de la liberté si ceux qui se réclament de la liberté sont résolus

17.
[...] quelle que soit leur classe sociale à accomplir leur devoir ..?... comme la France, quoi qu'il arrive, ne pourra pas périr. Ce seront les méthodes de la liberté qui seront détruites je ne sais par qui ni comment ni pourquoi mais il est impossible qu'un pays comme le nôtre puisse ainsi côtoyer la ruine sans trouver en lui-même des raisons de renaissance ou de résurrection. mais je voudrais vous dire aussi, et peut-être je vous parle trop longtemps, mais il faut que je m'explique une fois pour toutes devant mon parti en attendant d'autres débats. De même nous avons placé au cœur de la législation sociale la procédure d'arbitrage et de sur-arbitrage, à quoi bon si les parties, que ce soit les patrons ou les ouvriers peuvent impunément refuser d'appliquer les sanctions qui ont été prises par ces juridictions ? Nous avons reconnu et nous reconnaissons le droit syndical, nous sommes résolus certes à le faire respecter mais est-il admissible que les délégués des ouvriers français puissent être quelquefois des étrangers ou même des hommes dont le casier judiciaire, si j'ose dire, est pesamment chargé ? Nul ne songe à porter atteinte au droit de grève mais là encore, dans l'intérêt du succès d'un mouvement qui est parfois légitime, nous disons que la grève ne peut pas être le résultat de la volonté momentanée de quelques hommes mais qu’elle doit être votée librement au scrutin secret par les ouvriers eux-mêmes. Voilà, citoyens, quelques-uns des projets que nous réaliserons à partir de lundi. Et quelles que soient les attaques ou les critiques, si nous avons votre approbation, nous continuerons dans cette voie.

18.
[...] Enfin, citoyens, je voudrais vous dire, et ce sera la troisième et la dernière partie de ce discours, que pour que ces réformes s'accomplissent, il faut qu'intervienne aussi et dans le même temps un redressement de l'esprit public. Trop de propagandes, trop de théories qui cachent souvent sous un manteau fallacieux des intérêts et des ambitions étrangères se disputent comme une proie les consciences françaises. Nous sommes un pays de liberté, chacun a le droit en France de dire et de défendre ce qui lui parait être la vérité mais la France n'a pas à devenir le champ-clos de toutes les contradictions et de toutes les controverses qui déchirent le monde moderne. Nous n’admettrons pas que des forces étrangères, quelles que soient leurs origines, interviennent dans notre vie nationale et prétendent nous indiquer, à nous Français, quels est l’intérêt ou le devoir de la France. Nous ne permettrons pas davantage que des Français se fassent chez nous l'écho de cette propagande. Et nous permettrons encore moins que des étrangers prétendent exercer, le sourire aux lèvres, impunément, au milieu de nous ce droit souverain de contrôle et de décision qui doit être réservé aux Français et aux Français seuls. [...]

19.
[...] L’Allemagne hitlérienne, l’Italie fasciste. la Russie communiste interdisent sur leur sol la propagande démocratique. C’est leur droit d’État souverain et je ne le conteste pas. La République française dont la patience a été peut-être excessive veillera désormais à rendre impossible toute entreprise quelle qu'elle soit qui ne surgirait pas des profondeurs elles-mêmes de notre patrie. Citoyens, c’est par l'action dans tous ces domaines que le gouvernement entend défendre le régime républicain. La France, elle est et elle demeurera le pays des droits de l’homme. Tous ses enfants sans distinction d’origine, de classe ou de croyance sont égaux devant la loi républicaine. Nous voulons une République forte, une démocratie vigoureuse capable de triompher de tous les assauts. Nous n’avons rien, croyez-moi, nous n'avons rien à redouter de ses adversaires. Si par hasard devait se produire un jour contre elle une tentative de violence, les citoyens de France, l’armée, toutes les forces massives de la nation, se lèveraient pour la briser et la briseraient en effet. Mais des intrigues quotidiennes, des manœuvres inépuisables, l’incertitude que l'instabilité gouvernementale elle-même fait peser sur la vie de la nation pourraient provoquer un jour le scepticisme ou bien 1a lassitude de l’esprit public et c'est cela qui est le véritable péril pour la démocratie. Ce que l’on pourrait redouter en France, comme cela s’est produit dans d’autres pays, c’est que la carence du pouvoir exécutif ou les défaillances du pouvoir législatif en vinssent à rendre le peuple français indifférent aux libertés françaises. Citoyens, l’effort qui doit nous permettre de faire face à toutes les difficultés, cet immense effort qui doit transformer notre vie intérieure, il ne peut pas être le résultat d’un miracle, il ne peut pas y avoir de miracle en ce qui concerne le redressement de la France. [...]

20.
[...] Nous n’avons pas besoin d’un sauveur, ni d’un homme du destin, ni même d'un dictateur républicain comme on le disait ce matin ; nous avons besoin par contre de travailleurs obstinés qui jour après jour accomplissent leur tâche et préparent la tâche du lendemain. Le miracle viendra, citoyens, mais il sera le fruit du labeur et de la patience. Le pays sera sauvé mais il ne devra pas son salut à l’arrivée soudaine d’un sauveur Inattendu : il se sauvera lui-même par l’effort volontaire et énergique de tous ses fils. Tous les grands événements que l’on a pu appeler au cours de l’histoire des miracles français ont été réalisés de cette manière. La bataille de la Marne, a-t-on dit, fut un miracle. Mais elle a été préparée par l’effort lucide et clairvoyant des chefs et elle a été rendue possible par le sacrifie de ces centaines de milliers de Français dont des nuits et des jours depuis la déroute de Charleroi n'avaient pas réussi à entamer le courage, la vaillance et l'énergie. Je l'ai dit il y a maintenant plus de six mois, un grand pays libre ne peut être sauvé que par lui-même. Notre plus grande force, tant à l'intérieur qu'au-delà des frontières, croyez-le, c'est la force de la liberté. Tout est possible aux Français parce que les Français sont des hommes libres. Lequel d'entre eux osera refuser à sa patrie soit son travail, soit son argent, soit son sang s'il le faut alors qu'il sait que dans les désordres du monde actuel sa patrie a su protéger tout ce qui donne une valeur à l’existence de l’homme ? C’est au nom de la liberté que je vous parle et c'est au nom de la liberté que je suis fondé à demander à chaque Français le sacrifice que les difficultés des temps ont rendu nécessaire.

21.
[...] et s'il ne le veut pas consentir par un effort personnel et volontaire, qu'il craigne de le consentir un jour où n'existerait plus la liberté. Oui, malgré les transformations que notre peuple a subies, que notre pays a subies, la France elle est et elle est restée une nation de paysans qui connaissent les délais naturels que coûtent les œuvres de l'homme. Ils savent que pour que lève la moisson il faut avoir labouré et qu'il faut avoir semé. Labourons aujourd'hui, semons demain tous ensemble, défendons nos champs contre les vicissitudes des saisons ou les dévastations de la tempête et bientôt viendra la moisson ! [La Marseillaise]

Vous venez d'entendre le discours prononcé au 35ème congrès du Parti radical et radical socialiste par monsieur Édouard Daladier, président du Conseil et président du Parti radical et radical socialiste. Les tout premiers mots du président du Conseil ont dû vous échapper car notre émission était prévue en tenant compte d'un horaire qui sans doute avait estimé que les congressistes passeraient un peu plus de temps à leur déjeuner et que d'autre part l'éloquence de monsieur Liautey, président de la fédération radicale et radicale socialiste des Bouches-du-Rhône serait un peu plus abondante [...]

22.
[...] C'est pourquoi l'heure prévue pour le discours du président du Conseil s'est trouvée avancée quelque peu étant donné que bien avant l'heure fixée plus de six mille auditeurs et congressistes étaient présents dans la salle du congrès, ce qui a amené les organisateurs à avancer de beaucoup l'horaire qui était primitivement prévu. Nous nous excusons de ces quelques mots qui ont pu vous échapper et nous espérons que vous avez entendu parfaitement tout le discours du président du Conseil qui vient de se terminer par l'ovation que vous avez entendue.


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