Charles Mayol éditeur
Elle avait vingt ans
Un profil troublant
Bref, tous les charmes du printemps
L'air très comme il faut
Dans un grand bureau
La petite était dactylo
Le soir, en sortant
Tout en trottinant
Elle écoutait les boniments
D'un petit gandin
La canne à la main
Qui lui fredonnait ce refrain
{Refrain :}
"Ah, Ninette ! si tu voulais
Ninette, j' te montrerais
La vie en rose
Nous verrions tous deux l' paradis
Le ciel, les anges, tout le fourbi
Et les saints aussi"
Mais Ninette lui répondit
"En fait de saints, mon ami
J' comprends la chose
Vous voudriez bien commencer
Par les deux qu' j'ai dans mon corset
C'est pas pour votre nez
Caletez !"
Quatre jours durant
Il tira des plans
C'est toujours ça en attendant
Pensant "J'ai trouvé
Le moyen rêvé
D'être cabinet particulier"
Aussi, pour l'avoir
Le cœur plein d'espoir
Il l'emmena dîner un soir
À la fin du repas
Comme elle n' marchait pas
Le gandin lui murmura tout bas
{Refrain :}
"Ah, Ninette ! si tu voulais
Ninette, j' te raconterais
Pour qu' ça t'excite
Des histoires d'amour, j' te dis qu' ça !
L'histoire du cygne et de Léda
L'histoire de Flora"
Mais Ninette lui répondit
"En fait d'histoire, mon ami
Je vois ça tout d' suite
Vous finiriez dans l' répertoire
Par m' sortir aussi votre histoire
Je n' veux pas la voir
Bonsoir !"
D'amour obsédé
Pour la posséder
Le jeune homme voulut l'épouser
En s' disant "Comme ça
Elle m'appartiendra
Et sa vertu capitulera"
Il eut facilement
Le consentement
De la belle et de ses parents
L' soir du conjungo
Entre deux bécots
Il lui chuchota dans le dodo
{Refrain :}
"Ah, Ninette ! si tu voulais
Ninette, je te ferais
J' te f'rais, Ninette
J' te f'rais un enfant car, ma foi
Un enfant qui serait de toi
J' l'aimerais bien, crois-moi"
Mais Ninette lui répondit
"Te fatigue pas, mon ami
La chose est faite
J'ai trois gosses et un autre en train
Tous les trois sont gentils tout plein
Tu les auras d'main
Matin !"