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André Lebey
Ligue française de l'enseignement (fédération de S. et O.) - Collection scolaphone - enregistrement VEG-∆, Série type B.J.46 (1932).
Passant qui te cherches sans toujours te trouver, parce que tu n'es pas assez attentif à ce qui monte de toi, sache entendre ce que te murmure ton subconscient, ce subconscient dont il faut que tu profites, puisqu'il est au moment où je te parle à la mode. Développe toutes les facultés de ta nature humaine et divine à la fois, en les harmonisant de manière à ce que, loin de s'affaiblir les unes les autres, elles se fortifient et s'agrandissent, en s'utilisant toutes pour te mener vers l'excellence. La nature longuement étudiée, comprise, aimée, possédée, guide celui qui se rend digne de s'apparenter à elle, pour surprendre ce qu'elle enseigne et ce qu'elle murmure, aux formes les plus hautes de la vie spirituelle. Ainsi, tu sauras jusqu'où on peut descendre et jusqu'où on peut monter, jusqu'où la matière peut porter l'esprit. Ainsi, rien n'est sacrifié, ni dans les puissances de l'individu, ni dans celles de la collectivité, ni à l'intérieur de l'être, ni autour de lui, ni dans la conscience de chacun, ni dans celle de tous. L'équilibre des facultés de l'être conduit par la satisfaction qu'il dispense, intellectuelle et physique, à la pratique naturelle spontanée, bientôt irrésistible de la vérité morale.
La vie elle-même nous inspire l'idéal qu'elle réclame pour nous et que nous voulons pour elle. De la sorte, la pensée et l'action, la science et l'expérience, l'idéal et la réalité se maintiennent unis, avancent en se tenant par la main, triomphent ensemble. L'effort reste la loi de la paix conquise, toujours à conquérir. Le travail, celle de la santé obtenue, toujours à maintenir. L'amour réfléchit jusque dans la passion, d'après les possibilités des êtres qui varient selon chacun, le moyen de régulariser le cœur qui a toujours besoin d'être écouté, réglé, dominé même parfois. Passant, tu t'es rendu compte de tes possibilités nombreuses, indéfinies, n'en doute pas plus que de toi-même. Si tu sais te conquérir en accordant tes qualités au détriment de tes défauts, utilise tes passions pour stimuler tes vertus et personne ne pourra plus te diminuer jamais. Tu réaliseras le long de ton existence ce que tu lui demanderas avec discernement, d'après ce que tu auras reconnu préférable pour ton bonheur.
N'oublie pas que pour faire du destin ton serviteur, il ne faut pas être enchaîné par de vils intérêts. Demande à la vie ce qu'elle te doit pour te permettre d'être indépendant. Si elle résiste, contrains les circonstances et les gens à te les donner en échange de ton travail. Puis, une assise solide obtenue, élève-toi à ce degré supérieur où tout s'harmonise selon la pensée. Elle grandit dans le silence et tu peux toujours susciter du silence en toi-même, te trouverais-tu dans la foule, au paroxysme de son tumulte. L'harmonie murmure partout, elle est comme un oiseau dans la forêt. Ceux qui se précipitent pour le prendre, mort ou vif, non seulement ne l'entendent plus, mais le font s'envoler, ou le détruisent. Ceux qui s'en approchent tout doucement, lentement et se taisent, l'entendent chanter : écoute-le de tout ton âme. L'harmonie se cache dans l'homme, dans la société, dans le monde. C'est le raccord qui la réalise sur le plan universel.
Ne serait-ce pas parce que l'homme moderne ne la cherche suffisamment, ni surtout, avec assez d'honnêteté vis-à-vis des autres comme de lui-même, vis-à-vis de lui-même comme vis-à-vis de la cité, et puis de patrie à patrie, que l'ensemble des affaires humaines, individuelles et collectives, nationales et internationales, va de travers ? La volonté de puissance qui aboutit à l'impuissance générale a remplacé la volonté d'harmonie qui jadis, avec des moyens bien moindres, a su réaliser de si grandes choses, ne l'oublie pas. Tu ne peux concevoir la musique dépourvue d'harmonie et tu acceptes que la vie n'en ait point ? Contradiction d'autant plus grave, que tu acceptes aussi d'être privé de musique, mais que tu ne saurais te passer de vivre. Puisqu'il faut vivre, lutte donc pour une vie plus harmonieuse, mais en commençant d'abord par mettre l'harmonie en toi-même, là au moins où tu es ton seul maître, tu es forcé de réussir.