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Allô ? Allô l'an 2000 ? Allô, ici 20 janvier 1931, premier anniversaire de la Voix des Nôtres. La Voix des Nôtres, oh oui, ces petites galettes noires et plates, ce coffret à manivelle que vous avez déniché dans le bahut de votre grand-père, c'est la Voix des Nôtres. Pour vous, une pièce de musée. Pour nous, une forme vivante de propagande et d'action dont à un siècle de distance nos disques vous apportent l'écho.
Certes, vous êtes mieux outillés que nous, vous autres de l'an 2000. Par avion, vous faites le tour de la Terre en quelques jours, en quelques heures peut-être. Et sans même qu'il soit besoin de vous déplacer, vous participez à des congrès mondiaux qui sont visibles et audibles de partout et qui pourtant ne siègent nulle part. Un bouton sur lequel vous appuyez, et vous entendez et vous voyez vos camarades de Chine ou d'Amérique comme s'ils étaient à quelques mètres de vous.
D'un geste, vous demandez la parole au président qui de Stockholm, de Madagascar ou de Saigon dirige les débats et vous voici dans l'instant même à une tribune qui retentit dans le monde entier. Ah, je comprends que disposant de tels moyens scientifiques, les hommes du XXIe siècle considèrent comme désuets et périmés nos disques, nos machines parlantes, notre TSF.
Croyez-moi pourtant, camarades de l'an 2000, le 20 janvier 1930 est une date dans l'histoire du socialisme militant. La date d'un remords avant tout. Car si nous y avions pensé 20 ans plus tôt, nous aurions enregistré la voix de nos grands maîtres, celle de Jaurès, celle de Guesde, de Vaillant, de Sembat et de tant d'autres qui chantent encore dans nos mémoires, mais que les jeunes d'aujourd'hui n'ont pas entendu et que vous, de demain, vous n'entendrez jamais. Remords cruel et que souligne l'anniversaire de la Voix des Nôtres. Anniversaire malgré tout d'une initiative féconde. 20 janvier 1930, les premiers disques de la Voix des Nôtres font leur apparition. Immédiatement par tout le pays, les bons militants leur phono d'une main, leur mallette à disques de l'autre s'en vont, de faubourg en faubourg, de village en village, de maison en maison, faire entendre les comprimés de propagande qui éveillent les consciences, éclairent les esprits et préparent l'action libératrice.
Camarades de demain, suivez-les un peu par la pensée, vos camarades d'aujourd'hui. Le chômage et la misère frappent périodiquement à leurs portes. La guerre les a meurtris dans leur chair et dans leur cœur. Ils savent que sur la route de la liberté, de la paix, de la justice sociale, les étapes sont dures et rudes. Pour qui oeuvrent-ils donc, avec tant d'ardeur, avec tant de dévouement ? Pour eux, non ! Pour le parti, pour l'avenir du socialisme, pour que vous, vous puissiez réaliser pleinement le rêve que nous avons rêvé.
Ah, si vos savants, camarades de l'an 2000, si vos savants pouvaient nous faire entendre les nôtres de demain comme nous vous faisons entendre les nôtres d'aujourd'hui, ou alors dites-nous, et ce sera notre plus douce récompense, dites-nous bien vite, c'est fait, la République sociale est proclamée, plus de lutte de classe, nous avons aboli les classes, la misère n'est plus. Le travail est souverain, la guerre est morte, les peuples ont déclaré la paix, le rouge drapeau de l'internationale claque joyeusement d'un... au vent d'un bout du monde à l'autre bout. Il nous semble déjà vous entendre, messagers des temps futurs, et c'est d'un cœur unanime et plein d'allégresse que nous vous répondons, hommes de l'an 2000, le socialisme militant salue le socialisme triomphant.