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Titre :Les revenants, pasquille lilloise
Compositeur(s) et-ou auteur(s) :Desrousseaux, Alexandre
Interprète(s) :Drumez, Félicien
Genre :Monologue comique
Fichier audio :
Photo(s) :Photo
Support d'enregistrement :Disque
Format :27 cm aiguille (enregistrement acoustique)
Marque de fabrique, label :Odeon International talking machine Co.m.b.H.
Numéro de catalogue :36127
Numéro de matrice :xP1463
Date de l'enregistrement :1905-05-xx
Vitesse (tours/minute) :83
Matériel employé au transfert :Stanton 150, pointe 1,7ET sur Shure M44G, Elberg MD12 : courbe flat, passe-bas 5kHz, Cedar X declick, decrackle
Date du transfert :18-10-2024
Commentaires :Texte du contenu ci-joint. Annonce : "Les revenants, pasquille lilloise de Desrousseaux, par son élève Drumez, disque Odéon".
Texte du contenu :Les revenants, pasquille lilloise de Desrousseaux
par son élève Félicien Drumez
Disque Odéon


Du temps
Qu’on avot peur des rvenants
(N’y-a pu d’chint ans),
Eunne fillette sérvante au villache,
A bien étonné l’monde par sin corache.
Et ch’est si vrai, qu’un armena
Qu’j’ai là,
Parle de chl’affaire assez bielle,
Comme d’eunne mérvelle.
Ch’étot par un brun soir d’hivér.
I pleuvot, on n’véyot point clair
À quate pas, él vint donnot d’telle sorte,
Qu’i rmuot tout, férniétes et portes,
Et cassot des abres in passant...
À des files, des finmes, s’adressant,
Un homme dijot cheule sotte histoire :

« Allez, mz’infants,
On a bien raison d’croire
Tout chin qu’on nous dit des rvenants.
Un cousin de l’sœur de m’gra-mére,
M’a raconté qu’eunne riche férmiére
Su l’point d’morir, a fait jurer
À sn’honme de n’jamais se rmarier,
Et d’faire dire chaque semaine eunne messe.
Que chl’honme n’aïant point tnu s’promesse,
Pindant près d’quarante ans, chaque nuit,
Juste à minuit,
Elle arrivot, faijant craquer ses oches,
Li faire des rproches,
Li donner des pichnettes su l’nez,
Et l’tirer par les pieds !... »

Croirez-vous que chl’histoire cocasse,
Racontée par un gros bonasse,
Avot fait frémir tous chés gins,
Les ptits, les grands, comme les moyins,
Et qu’pérsonne n’osot pu rien dire ?…
Eunne sérvante, pourtant s’met à rire,
Et dit comme cha : « Vous croyez cha,
Vous autes ? Eh ben, vous étes bonnes, là !
Mais ch’est des bétisses sans parelles !
Si tous les femmes des infidéles,
Et les hommes aussi, cha s’comprind,
Povot’t ainsi, comme on l’prétind,
Rvénir, vous l’comprindrez vous-mémes,
Bonnes femmes,
Nous arimes autant de rvenants
Que d’vivants !
Et puis, peut-on vous l’dire
Sans rire :
Si quéqu’un d’mort povot rvenir,
Est-che qu’i srot si sot de rpartir ?
Mi j’cros si peu chés fariboles
Si droles,
Que j’veux parier du pain-pérdu
Pour nous tértous, avé ch’gadru,
Qu’à minuit, tout seue, j’irai quair
Eunne tiéte de mort à no chimtiére...
« Acceptez-vous, luron ? qu’elle dit. »
L’honme répond: « N’y-ara point d’dédit ! ».

L’heure venue, elle se met in route,
Les pieds din l’iau, n’y véyant goutte...
Elle n’avot point l’air d’y pinser,
Car elle marchot, sans trop s’présser.
Infin, elle arrive à l’chimtiére,
Passe au-dsu de l’porte ed derriére,
Et s’in va tout drot au charnier,
Quair cheule tiéte qu’i dot l’faire gaigner.
Tout près d’là, derriére eunne hayure,
L’gros païsan, qu’i tnot l’pariure,
S’avot plaché, pour li faire peur,
In faijant le rvenant, l’sans-cœur.
Au moumint qu’elle crot sn’affaire faite,
Et qu’a s’met in route, elle s’appréte,
Elle intind, cinsémint l’mort,
Crier chés mots d’tout sin pu fort :
« Laiche un ptit peu là m’tiéte !… »
Sans se l’faire dire deux fos, l’fillette,
À cheule voiss terribe, obéit.
« Ch’est drole qu’il y tienne tant ? qu’elle dit.
Infin, ch’est qu’ch’est s’marotte,
À ch’mort. » Elle in prind vite eunne aute,
Qu’elle roule din sin moucho d’coton,
Pour l’porter bien vite à s’majon.
Mais l’mort, comme un chantre in furie,
Li crie :
« Par tous les saints du Paradis,
Laiche-là m’tiéte, ej te dis ! »
À chés mots, vous l’croirez sans peine,
qu’el pauve fille brait comme eunne Madleine !
Elle a peur tout d’bon... Mais rmarquant
Qu’ch’est l’méme son d’voiss qu’auparavant,
Elle dit : « Attinds, mais te m’prinds point pour eunne sotte, ti, chosse ?
T’as point deux tiétes, supposse ?
In tous cas, dis chin qu’te vodras,
J’importe et’ sale caboche, et j’m’in vas. »

- - -

Les revenants, pasquille lilloise de Desrousseaux
par son élève Félicien Drumez
Disque Odéon


Du temps
Où on avait peur des revenants,
(Il y a plus de cent ans),
Une fillette servante au village,
A bien étonné le monde par son courage.
Et c’est si vrai, qu’un almanach
Que j’ai là,
Parle de l’affaire assez belle,
Comme d’une merveille.
C’était par un soir d’hiver sombre.
Il pleuvait, on ne voyait pas clair
À quatre pas, le vent soufflait de telle sorte,
Qu’il remuait tout, fenêtres et portes,
Et cassait des arbres en passant...
À des filles, des femmes, s’adressant,
Un homme disait cette histoire sotte :

« Allez, mes enfants,
On a bien raison de croire
Tout ce qu’on nous dit des revenants.
Un cousin de la sœur de ma grand-mère,
M’a raconté qu’une riche fermière
Sur le point de mourir, a fait jurer
À son mari de ne jamais se remarier,
Et de faire dire chaque semaine une messe.
Que l’homme, n’ayant pas tenu sa promesse,
Pendant près de quarante ans, chaque nuit,
Juste à minuit,
Elle arrivait, faisant craquer ses os,
(pour) Lui faire des reproches,
Lui donner des pichenettes sur le nez,
Et le tirer par les pieds !... »

Croirez-vous que l’histoire cocasse,
Racontée par un gros bonasse,
Avait fait frémir tous les gens,
Les petits, les grands, comme les moyens,
Et que personne n’osait plus rien dire ?
Une servante, pourtant se met à rire,
Et dit comme ça : « Vous croyez ça,
Vous autres ? Eh bien ! Vous êtes bonnes, là !
Mais ce sont des bêtises sans pareilles !
Si toutes les femmes des infidèles,
Et les hommes aussi, ça se comprend,
Pouvaient ainsi, comme on le prétend,
Revenir, vous l’comprendrez vous-mêmes,
Bonnes femmes,
Nous aurions autant de revenants
Que de vivants !
Et puis, peut-on vous le dire
Sans rire ?
Si quelqu’un (de) mort pouvait revenir,
Est-ce qu’il serait si sot pour repartir ?
Moi je crois si peu ces fariboles
Si drôles,
Que je veux parier du pain-perdu,
Pour nous tous, avec ce prétentieux,
Qu’à minuit, toute seule, j’irai chercher
Une tête de mort dans notre cimetière...
« Acceptez-vous, luron ? dit-elle. »
L’homme répond : « Il n’y aura pas de renoncement ! ».

L’heure venue, elle se met en route,
Les pieds dans l’eau, n’y voyant guère...
Elle n’avait pas l’air d’y penser,
Car elle marchait, sans trop se presser.
Enfin, elle arrive au cimetière, [NB : chimtiére est masculin en picard]
Passe au-dessus de la porte arrière,
Et s’en va tout droit au charnier
Chercher la tête qui doit la faire gagner.
Tout près de là, derrière une haie vive,
Le gros paysan, qui tenait le pari,
S’était placé, pour lui faire peur,
En faisant le revenant, le sans-cœur.
Au moment où elle croit l’opération faite,
Et qu’elle se met en route, elle s’apprête,
Elle entend, quasiment le mort,
Crier ces mots le plus fortement possible :
« Laisse un petit peu ma tête ici !… »
Sans se le faire répéter, la fillette,
À cette voix terrible, obéit.
« C’est drôle qu’il y tienne tant, qu’elle dit !
Enfin, c’est que c’est son caprice,
Au mort. » Elle en prend vite une autre,
Qu’elle roule dans son mouchoir en coton,
Pour la porter bien vite à sa maison.
Mais le mort, comme un chantre en furie,
Lui crie :
« Par tous les saints du Paradis,
Laisse ici ma tête, te dis-je ! »
À ces mots, vous le croirez sans peine,
(que) la pauvre fille pleure comme une Madeleine !
Elle a peur pour de bon... Mais remarquant
Que c’est le même son de voix qu’auparavant,
Elle dit : « Attends, mais tu (ne) me prendrais pas pour une sotte, toi, malin ?
Tu (n’)as pas deux têtes, (je) suppose ?
En tous cas, dis ce que tu voudras,
J’emporte ta sale caboche, et je m’en vais. »

Transcription et traduction littérale Jean-Luc Vigneux

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Le texte original diffère légèrement, voir "Chansons et pasquilles lilloises", quatrième volume avec musique, par Desrousseaux, nouvelle édition, 1881, pages 187-190 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5424106k/f190.item



Permalien : http://www.old.phonobase.org/16809.html

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