La parole est au citoyen Marquet.
La propagande revêt aujourd'hui des aspects imprévus. La radiodiffusion permet à l'orateur d'être écouté par des milliers d'auditeurs pendant qu'il parle. Par le disque, sa parole est entendue longtemps après qu'il a parlé. Le temps est loin où dans la petite salle enfumée d'un quartier industriel et la salle de bal du village se réunissaient à l'appel du Parti socialiste des auditoires tout d'abord sceptiques et restreints. Mettre à la portée de chacun cette nouvelle expression de la pensée socialiste est une initiative heureuse et c'est grâce à elle qu'avec satisfaction je salue militants et amis connus et inconnus qui m'écouteront demain. Que leur dirais-je en quelques mots ? Qu'au milieu des difficultés que la vie accumule, difficultés qui grandiront à mesure qu'augmentera notre puissance et que se multiplieront nos responsabilités, il convient de garder une confiance en l'avenir sereine et justifiée. Nos maîtres d'avant-guerre portaient en eux le grand rêve d'une société harmonieuse et prospère, ils imaginaient que chaque exemple d'humanité arriverait au plein développement de sa personnalité et que chaque nation collaborerait selon son génie à l’œuvre humaine de la civilisation. Leur grande espérance a paru sombrer dans la tourmente mais la fumée des champs de bataille se dissipait à peine que le haut idéal socialiste dominait l'Europe et attirait à lui la sympathie active des foules meurtries. Depuis dix ans, par des voies qui se modifient et se modifieront encore, l'évolution du régime capitaliste et de la politique européenne oriente les classes ouvrières et les démocraties vers des objectifs que le socialisme a depuis longtemps définis. Certes, les controverses seront encore nombreuses et passionnées, les adversaires du monde du travail défendront avec âpreté leurs privilèges, le socialisme connaîtra des heures de stagnation et peut-être de recul mais, en fin de compte, c'est lui qui l'emportera. La classe ouvrière ne doit plus solliciter, il lui faut maintenir les lois sociales votées, les faire appliquer et affirmer sa volonté de collaborer à la gestion des entreprises. Ainsi elle augmentera son bien-être, ses libertés et son véritable pouvoir revendicatif. C'est en elle que lentement se forment les grandes disciplines collectives qui donneront naissance à l'ordre nouveau souhaité par tous les esprits désintéressés. Que le Parti socialiste se montre sous son vrai jour, qu'il évite de se laisser confondre avec les paradoxes qu'il entraîne avec lui nécessairement comme en ont entraîné tous les grands mouvements d'idées et, en des temps plus proches que ne l'imaginent ses détracteurs, la démocratie française lui confiera la direction de ses destinées. Déjà la plupart des grandes villes sont par lui administrées. Déjà dans ces grandes villes il a fait ses preuves. Par lui notre démocratie retrouvera sa grande tradition. Les sciences, les lettres, les arts s'épanouiront dans une France renouvelée et, dans une Europe encore incertaine et troublée, il y aura par lui un élément de paix permanente et durable. Comme les hommes, les peuples forts font leur destin.