- Eh bien, Lourdeau, qu'est-c' que vous faites là ?
- Sergent, je suis en train de lire.
- Voyons si vous avez compris c' que vous avez lu : Hernani. Savez-vous c' que c'est, Hernani ?
- Oh ! oui, sergent, mon frère a z'été ben embêté parce qu'il en avait z'une.
- Une quoi ?
- Une hernanie
- Une hernie, vous voulez dire.
- Oh ! hernie, hernanie, euh, c'est kif-kif
- Bourricot ! et ça : Moyens de s'orienter. Avez-vous lu de quelle façon on s'y prend pour s'orienter ?
- Hé, peut-être ben.
- Supposition que vous êtes en manœuvre, vous êtes tourné du côté du levant, qu'est-c' que vous avez dans l' dos ?
- Euh… dans le dos ? j'ai mon sac.
- Oh ! oui, vous en avez un sac !
- Ben, dame ! quand on est en manœuvre.
- Mais c'est pas ça que j' vous d'mande. Quand vous êtes tourné du côté du levant, vous avez le couchant par derrière.
- Ah ! j'ai le couchant…
- Oui ! vous avez compris ? répétez.
- Ben, quand j'ai le couchant par derrière, j'ai le levant par devant.
- C'est à peu près ça. Voyons plus loin : Histoire de France, Saint Louis. Ah ! qu'est que c'est que Saint Louis ?
- Saint-Louis ? c'est l'hôpital ousqu'on va quand on a la trotte.
- Mais je n' vous parle pas d'hôpital, moi, je vous parle de Saint Louis.
- Ah ! cinq louis, oui, c'est le tarif des grandes cocottes.
- Poch'té, va ! Saint Louis, c'était un roi d' France qui rendait la justice assis sous un chêne. vous avez entendu ? allons, répétez.
- Saint Louis, c'était un roi d' France qui qui…
- Qui rendait.
- Qui rendait. Il rendait ? oh ! le dégoûtant, va !
- Qui rendait la justice.
- Qui rendait la justice.
- Assis sous.
- À six sous… c'est pas cher !
- Assis sous un chêne. Andouille !
- Assis sous un chêne andouille.
- C'est vous l'andouille !… Sentiment patriotique. Ah ! voilà quelque chose qui vous concerne, tâchez de répondre proprement. Quand on vous parle du drapeau, que sentez-vous ?
- Je… n' sens rien du tout.
- Voyons, moi, je vous parle du drapeau français. Vous n' sentez rien ?
- Si ! vous avez bu du cognac.
- Pauvre de gourde ! Quand on vous parle du drapeau français, vous d'vez sentir passer le frisson.
- Le frisson ?
- Oui ! et quand l' frisson passe, que faites-vous ?
- Quand le frisson passe, euh ! je le salue.
- Abruti, va ! Et ça : Amour-propre. Ah ! vous n' devez pas savoir c' que c'est, vous, qu' l'amour-propre.
- Hé, l'amour propre ? ah si ! je sais c' que c'est qu' l'amour, la vraie amour, quoi !
- Eh bien, dites-le.
- L'amour, euh ! hé ! hé ! … c'est une chose qui se dit pas.
- Ben, j' vais vous l' dire, moi : L'amour, c'est une chanson qui commence par un solo, continue en duo et finit par un trio.
- Ah ! oui, oui, j'ai compris : L'amour, c'est un salaud qui continue par un tuyau et qui finit par un trumeau.
- Idiot !
- … et qui finit par un idiot.
- Allez, assez, rompez ! vous êtes trop bête !
- Oh ! oh ! ben… ah ! ah ben, chouette, v'là la soupe ! qu'est-c' que j' vas m' débiner, moi, c'est pas trop tôt tout d' même, oh la la la la la la !